Recueil de divers voyages faits en Afrique et en l'Amerique

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Hiftoire

patiffant, on le peut quitter comme eftant inutile, dans un Pais o ù le duvet des Cignes, & le poil des Caftors ne fe trouve point. Quant au fens du gouft, j'avouë qu'il y rencontre plus de fatisfaction que tous les autres, à caufe des fruirs qui y croiffent: de forte que l'Epicurien ne fçauroit eftre trompé, s'il fait un long voyage pour fatisfaire à fon Palais, puis qu'il y rencontre les plus excellentes faveurs qui foient au m o n d e , renfermées dans un feul fruit, qui eft l'Ananas. Et y a-t'il aucun Prince qui ne vouluft bien convertir fa monnoye de bas alloy, en des l i g o t s de pur or ? ce qui fuffira touchant les Barbades. J'ay connu des hommes en Angleterre, qui ont le corps fi robufte & fi propre à fouffrir le froid, qu'il n'y a point de temps qui leur foit plus propre & plus convenable, que celuy de la gelée & de la neige, ces corps de fer feroient propres à faire des Colo­ nies dans la Ruffie, car fous la Ligne l'on n y pourfuit point les Liévres à la trace, & fous les Tropiques l'on ne court point avec des patins fur la glace. Il y en a qui ont oùy parler des plaifirs des Barbades, mais il leur fafche de laiffer derriere eux les delices de l'Angleterre, ce font des pareffeux & incapables d une fi noble entreprife : que s'il y en arrive quelqu'un, il fera tranfporté au milieu d'une ar­ m é e innombrable de Fourmis, qui le piqueront d'une fi vive re­ proche, qu'il fouhaittera de fe pouvoir trouver par tout ailleurs que parmy eux, tant un pareffeux eft detefté dans un Pays, où l'induftrie & la diligence fe doivent mettre tous les jours en pra­ tique. Le Nain peut venir en ce Pays-là , & deux fois l'année en­ trer en difpute avec le Géant : car fi l'on les met l'un & l'autre fur une fuperficie pleine au temps du midy, l'on ne fçauroit connoiftre par leur ombre qui eft le plus haut des deux. L e Voluptueux, qui s'imagine que le jour n'eft pas affez long pour luy, pour fe divertir, ny le Dormeur qui croit que la plus longue nuit eft trop courte pour fonger à fes delices, ne font pas propres pour fe repofer & fe divertir en cette I f l e : car dans toute l'eftenduë du Zodiaque ils n'y trouveront pas ny le jour de S. Barnabe, ny la nuit de fainte Luce. Le Soleil qui court dans une carriere égale , eft dans ce lieu-là un arbitre qui ne prend aucun party entre ces deux Saints, & qui comme un jugejufte & bien éclairé, reconcilie ces deux extremitez, & les réduit au milieu de douze en douze heures, qui eft une égalité de temps incompatible à l'humeur & aux inclinations de ces gens - là. Mais


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