Recueil de divers voyages faits en Afrique et en l'Amerique

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del'Ifledes Barbades.

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bout du bafton qu'on tient, & peu de temps apres, elles viennent à fe rouvrir d'elles-mefmes. Il y a fort peu de fleurs dans l'Ifle, & pas une qui foit de bonne odeur, comme le Lys blanc, qui croift dans les bois, mais dont la fleur eft beaucoup plus belle que celle de pardeçà; com­ me auffi le Lys rouge, qui eft de la mefme grandeur, mais ny l'un ny l'autre ne font de bonne odeur. La fleur de S. Yago, ou de S. Jacques, eft fort belle, mais d'une mauvaife odeur \ Nous avons encor une autre fleur, qu'on ne doit pas oublier à caufe de fa rareté, parce qu'elle s'ouvre lorfque toutes les autres fe ferment, qui eft lors que le Soleil fe couche, c'eft pourquoy nous la nommons la Fleur de la Lune ; elle croift par groffes touffes, fes feüilles font prefque de la forme d'un cœur, la pointe fe tournant en arriere, la fleur eft un peu plus grande que celle de la Primevere, mais du plus beau violet que j'aye jamais veu. Lors que cette fleur tombe, la graine paroift, qui eft noire, avec un œil violet, fait comme un bouton, & de mefme groffeur, fi bien travaillé , & fi fort avec cela, qu'on s'en pourrait bien fervir pour en garnir un habit. J'emportay avec moy de la femence ou graine de Rofmarin, de Thin, de Sariette, de Marjolaine groffe & menue, de Perfil, de Serpoulet, de Camomile, de Sauge, de Tenaifie, de La­ vande , d'Aux , d'Oignons, de C h o u x , de Choux pommez, de Navets, de Raves, de Soucis, de Laittuës, de Targon, que je femay, & leverent & creurent fort bien; j'avois auffi de bon­ ne graine de Porreaux , mais elle ne leva point. Nous avons des Rofiers, mais ils ne portent jamais de fleurs. Il y a une racine, dont quelques- uns des Negres ont apporté la graine , & qu'ils y ont plantée, & y a creu toujours depuis: c'eft une fort groffe racine, qui eft feche & d'un bon gouft ; la maniere de la planter eft de faire de petites montagnettes de terre, comme celles des Taupes, & planter la graine au haut, & dés auffi-toft qu'elle poulie fes tiges, elles les renverfent vers terre de chaque cofté, & alors à mefure qu'elles la touchent, elles pouffent en haut une tige, qui ne differe pas beaucoup de l'afperge, mais qui eft violette. Les ayant recueillies, & les man­ geant en falade avec de l'huile, du vinaigre, & du fel, elles fonr fuffifantes à contenter un gouft ordinaire, où l'on n'en peut pas trouver de meilleure: mais la vérité eft que cette racine eft un bon manger, eftant cuite avec du bœuf falé, & mangée avec X ij


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