Recueil de divers voyages faits en Afrique et en l'Amerique

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Hiftoire

ment donner encor une touche pour finir avec elle, comme font les Muficiens, qui joüent premierement un Prelude, puis une Leçon, & enfuite une Sarabande, qui eft lame & la vie de tout le relie. • Ayant donc joüé un petit Prélude devant vous, à cette lon­ gue & ennuyeufe Leçon du Sucre, & de la maniere de le faire, j'eftime qu'il eft à propos de vous donner pour la fin une Sara­ bande des plus belles qu'il me fera poffible fur le fujet, qui enque comme cette Plante a la faculté de conferver toutes fortes de fruits, qui croiffent au monde, & les empefcher qu'ils ne fe cor­ rompent, elle a auffi la vertu, eftant bien appliquée, de conferver aux hommes leur fanté & leur fortune ; C'eft pourquoy le Docteur Butter, qui eftoit un des plus fçavans & des plus fameux Méde­ cins de cette Nation , où qui fe foient jamais veus dans le monde, avoit accouftumé de dire, que puis que le Sucre confervoit les Poires & les Prunes, qu'il pouvoit bien auffi conferver nos Poulmons, & afin que cela puft faire le mefme effet fur luy, il beuvoit toujours du vin clairet avec beaucoup de fucre, du plus fin & du mieux rafiné, & l'ordonnoit auffi en diverfes manieres à fes Patients, pour les Rhumes & les Catharres, qui font des maladies fort fréquentes dans les Climats froids, particulierement dans les Ifles où l'air eft plus humide que dans le Continents ce qui fuffira pour ce qui regarde la fanté. Quant à ce qui regarde la fortune, elle n'eft pas feulement confervée, mais auffi on la peut faire par l'opération puiffante de cette Plante. Le Colonel Jacques Drax, qui au commencement qu'il vint dans cette Ifle, eftablit fa fortune fur un fonds qui ne furpaffoit pas 300. livres fterling, l'a portée à une telle hauteur, que je luy ay oüy dire, qu'il ne regarderoit jamais l'Angleterre avec deflein d'y demeurer le refte de fa vie , qu'il n'euft le moyen d'y faire des acquifttions de terres pour dix mil livres fterling de rente annuelle, comme il s'attendoit de faire en peu d'années avec ce qu'il avoit, & tout cela par le moyen de cette plante de fucre. • Le Colonel Thomas Modyford m'a dit fort fouvent, qu'il avoit refolu en luy-mefme, de ne retourner jamais en Angleterre, qu'il n'euft fait en forte que fon voyage, & l'employ qu'il avoit eu en cette Ifle, ne luy euffent valu cent mil livres fterling, & tout cela encor par la Plante du fucre.


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