Recueil de divers voyages faits en Afrique et en l'Amerique

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de l'Ifle des Barbades.

qu'on ne fçauroit trouver aucun quarré, ny aucun cercle fur l'éc o r c e , qui foit femblable à l'autre, outre que toute l'écorce en eft auffi douce que du verre poîy. Ils demeurent fur terre à l'endroit où ils fortent, car la tige con­ tre qui ils croiflent n'a pasaffezde force pour les porter ailleurs. C e fruit qui reffemble prefque à une Pomme au dedans quant à la couleur, mais qui quant au gouft ne reffemble à aucun des fruits d'Angleterre, eft aqueux & infipide, neantmoins l'on y en mange une quantité prodigieufe à la fois, c o m m e deux ou trois pieces coupées en rond auffi groffes comme un pain de dix fols, & épaiffes d'un poulce ; l'on eftime que c'eftun excellent rafraîchiffement, & qu'ils font fort bons pour la Pierre. La Grai­ ne a d'elle-mefme une fi grande force de teindre en couleur de Pourpre, qu'elle teint l'endroit du fruit qu'elle touche de cette couleur-là, & jufqu'à ce qu'elle le faffe, c'eft un ligne que le fruit n'eft pas encor meur. L'on eftime que les plus gros font les meil­ leurs, ils font extrémement remplis de grains , qui s'écartent fi aifément, qu'on n'en eft aucunement incommodé en les man­ geant. L'on recueille des Raifins dans l'Ifle, qui font daffez bon gouft, mais ils ne meul'Iflent jamais tous à la fois ; l'on en peut bien recueillir quelques-uns pour faire du V i n , mais la quantité en eft fi médiocre , que cela n'en vaut pas la peine. Il y en a tou­ jours qui font en Verjus, d'autres qui font meurs,& d'autres qui font pourris fur la branche. Quoy que le Plantin ou Bavavion ne porte pas le fruit le plus délicieux de l'Ifle, neantmoins parce qu'il eft d'un grand ufage, & qu'il eft auffi beau à voir, & qu'il a plufieurs autres rares qualitez en quoy il furpaffe les autres plantes, je veux tafcher de luy rendre ]ufticc en la defcription que j'en feray. En premier lieu, quant à la maniere de le planter, l'on met une racine en terre, à fix poulces de profondeur, & dans fort peu de temps il en fort trois ou quatre rejettons, dont il y en a tou­ jours un qui l'emporte pardeffus les autres, comme fait le pre­ mier Efpervier dans l'air, & à mefure que ce rejetton croift , il fort & s'efleve de la partie interieure du tronc, & les feüilles ex­ térieures panchent en bas & fe pourriffent ; mais il en vient toujours de nouvelles au dedans, & qui s'eflevent comme le Palmite, comme une pique, qui eftant ouverte par le Soleil, de­ vient une feüille, & avec le temps devient haute de huit ou dix R iij


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