Recueil de divers voyages faits en Afrique et en l'Amerique

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Hiftoire

& bien formées, & d'un tres-beau v e r d , paroiffent aux yeux c o m m e autant de latin verd , qu'on auroit eftendu en forme de tapifferie fur une mefme ligne, tant elles font unies & également tenduës naturellement. Les troncs de ces Arbres croiffent affez promptement, mais plus en groffeur qu'en hauteur, car on les peut tenir à telle hau­ teur qu'on voudra, en coupant leur f o m m e t , & dans peu ils ne le toucheront pas feulement, mais ils fe reduiront tous enfemble en un corps, enfuite dequoy ils deviendront une haye auffi forte& auffi affeurée qu'aucune qu'on fçauroit faire , jufqu'à ren­ fermer des Lapins, & retenir nos Rats, car ny le beftail ny la ver­ mine ne fe plaifent pas d'en approcher. Et c o m m e c'eft une belle haye & tres-utile pour les Jardins , & les Canes de Mofcovie, & la volaille, qui ne peuvent voler par deffus, ayant une aille coupée, elle nous fert auffi à un ufage tresparticulier qui eft de renfermer nos pafturages, ou telles autres pieces de terre que nous voulons renfermer. Car toutes nos paliffades font faites d'Arbres abattus, dont l'on couche les bouts en croifant les uns fur les autres,& pluifeurs de ces Arbres font d'un bois facile à fe pourrir & fe gafter par la grande humidité & l'ardente chaleur; de forte que les Habitans ayans trouvé que la plufpart de ces Arbres eftoient pourris & dé­ truits,& qu'il eftoit impoffible d'en faire de nouvelles Paliffades, parce que les bois qui croiffoient prés de ce lieu-là eftoient em­ ployez à faire ces Paliffades, car à mefure qu'on les faifoit, le bois fe trouvoit à leur c h e m i n , & n'y avoit qu'à le couper & le laiffer tomber fans le tranfporter ailleurs, eftant impoffible de pouvoir tranfporter ces grands Arbres avec fi peu de monde & encor fi foibles qu'ils eftoient : de maniere qu'ils le trouverent reduits à de grandes extremitez, ne fçachans c o m m e faire pour renouveller ces Paliffades, y ayant des pafturages où il faloit pour le moins trois mille deux cens foixante Arbres pour les enclore, ce qui fit qu'enfin ils penferent à cette maniere de faire de nouvelles Pa­ liffades, qui eft la plus c o m m o d e qu'on fçauroit s'imaginer. Ils recueillirent donc toutes les Noix de Medecine qu'ils peur e n t , & les femerent & en firent de grandes Pepinieres, qui auffitoft qu'elles furent devenuës un peu fortes, ils les tranfplanterent en forte qu'en faifant une legere haye entre la vieille Paliffade & le pafturage, afin que le beftail ne puft les abattre eftans encor jeunes


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