Recueil de divers voyages faits en Afrique et en l'Amerique

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de l'Ifle des Barbades.

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C e t t e Indienne demeuroit prés du rivage de la M e r , dans le Continent de l'Amerique, lors qu'un Navire Anglois ayant abor­ dé dans vne Baye, l'on envoya quelques-uns de fes gens à terre pour y chercher des vivres & de l'eau, parce qu'ils en avoient belbin, mais c o m m e les Indiens les virent entrer fi avant dans le païs qu'ils auroient de la peine à fe retirer en feureté, ils les vin­ rent couper c o m m e ils s'en retournoient, & les attaquerent de forte qu'ils les chafferent jufques dans un Bois, o ù eftant difperfez, les uns furent pris, & les autres tuez ; mais un jeune h o m m e entre les autres s'eftant efcarté de la troupe, fut rencontré par cette fille, qui d'abord devint amoureufe de luy, & le cacha dans une C a v e r n e , pour empefcher qu'il ne fuft découvert par les autres Indiens, o ù elle le nourrit jufqu'à ce qu'ils fe peuffent retirer en feureté à la cofte o ù le Navire eftoit à l'Anchre, en attendant le retour de leurs g e n s , & les ayant apperçeus fur le rivage on y en­ voya la Chaloupe, qui les prit & les amena à bord. Mais lors que ce jeune h o m m e fut arrivé aux bordages, il oublia la faveur que cette fille luy avoit faite, qui avoit mis la vie au hazard p o u r conferver la f i e n n e , & la vendit pour Efclave , quoy qu'elle fuft née auffi libre que luy, & de cette maniere-là cette pauvre Y a r i c o perdit fa liberté pour recompenfe de fon amour. Quant aux Maiftres, je n'en ay pas encor dit grand' chofe, auffi ne fuis-je pas capable de dire la moitié de ce qu'ils meritent ; car ce font des gens tres-capables & qui ont de grandes qualitez, fans cela il leur feroit impoffible de venir à bout des choies qu'ils en­ treprennent, la conduite d'une de leurs habitations eftant un o u ­ vrage de fi grande eftenduë, il eft neceffaire qu'un h o m m e ait grande capacité pour la mettre en ordre , & pour l'y entre­ tenir. Je pourrois n o m m e r le Proprietaire d'une de ces habitations qui entretient tous les jours plus de deux cens perfonnes, & les maintient dans un fi bon o r d r e , qu'il n'y arrive aucune mutine­ rie entr'eux, quoy qu'ils foient de diverfes Nations, qu'il faut e m ­ ployer chacun felon fa capacité, en forte que pas un ne demeu­ re oifif. L e premier ouvrage o ù il faut prendre garde, eft celuy d'ar­ racher les mauvaifes herbes, & de farcler les plantages, car à fau­ te de le faire, tout eft perdu, & le proprietaire eft ruiné, parce que fi l'on neglige de le faire pendant quelque peu de temps, c'eft une chofe difficile d'en pouvoir venir à bout enfuite, tant les

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