Voyage au Brésil

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VOYAGE AU BRÉSIL

crépus, et une figure de bonne humeur, tant soit peu rougie par les libations. Il était vêtu d'un caleçon de coton par-dessus lequel flottait sa chemise, les pieds parfaitement nus dans une paire de ces socques en bois, sans quartiers, dont on entend le clic clac dans toutes les villes à la saison des pluies. Il ouvrit l'auvent supérieur et nous introduisit dans une petite salle meublée d'un hamac, d'un canapé et de trois ou quatre chaises. Sur les murs de terre, s'étalaient quelques grossières images dont le vieux bonhomme semblait très-fier. Il nous dit qu'il serait heureux de nous recevoir si nous pouvions nous contenter du logement qu'il avait à nous offrir : cette chambre, pour les hommes et lui-même; la pièce où couchaient sa femme et les enfants, pour la a senhora. » J'avoue que la perspective me plut médiocrement, mais j'étais préparée à tout car je savais à quelles tribulations on s'expose en voyageant dans l'intérieur. Quand donc notre hôtesse se présenta et m'offrit cordialement un coin de sa chambre, je la remerciai de mon mieux. Elle était beaucoup plus jeune que son mari et encore fort belle, d'une sorte de beauté orientale, avec laquelle son costume s'harmoniait assez. Au bout d'une heure ou deux, on annonça le souper. Nous en avions apporté la plus grande partie de la ville, et, pour nous conformer aux mœurs du pays, nous invitâmes toute la famille à le partager avec nous. Le vieux tavernier avait complété sa toilette en passant une robe de chambre d'indienne à grands ramages; il prit place à table en jetant, sur les poulets rôtis et le vin de Bordeaux, u n regard de satisfaction non petite. A en juger par l'apparence, ce devaient être choses rares dans sa maison : le sol terreux de la cuisine où le souper fut


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