Voyage au Brésil

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VOYAGE AU BRÉSIL

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souffrent cruellement. Quel plus éloquent commentaire de l'incurie et de l'indolence de la population q u ' u n pareil manque d'aliments, dans une région où une variété immense de végétaux pourrait être cultivée presque sans travail ! où les pâturages sont excellents, comme en témoigne le bon état des quelques vaches que l'on voit aux environs! où le café, le coton, le cacao et le sucre trouvent les conditions de sol et de climat qui leur conviennent le mieux! Ils donneraient des récoltes plus abondantes que dans a u c u n e des contrées livrées à cette production. Après u n repos d'une demi-heure à la cure, le curé du village nous invita à visiter sa plantation de manioc, située à peu de distance dans la forêt; il assurait que M. Agassiz pourrait s'y procurer une variété de palmier que depuis longtemps il désirait avoir. U n e invitation de ce genre fait venir à l'esprit l'idée d'une promenade; mais, dans ce pays où la surface du sol est inondée, les courses d'un endroit à u n autre se font par eau. Nous n o u s mîmes donc dans une montaria et, après avoir longé pendant quelque temps la rivière, nous pénétrâmes au milieu des bois et commençâmes à naviguer en forêt. L'eau était calme et unie comme une glace; les arbres s'élevaient au-dessus d'elle, et les longues branches venaient y plonger leurs extrémités; nous décrivions de nombreuses sinuosités autour des troncs, écartant les rameaux, glissant sous les verts bosquets ; chaque feuille se réfléchissait nettement, et la forêt et l'eau se confondaient de telle façon qu'il eût été difficile de dire où commençait celle-ci, où finissait celle-là. L'ombre et le silence nous enveloppaient si complétement que le léger bruit des pagaies jetait


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