Voyage au Brésil

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VOYAGE AU

BRÉSIL

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soixante-dix espèces nouvelles. Ses études ont excité au plus haut point la curiosité des bonnes gens que nous venons de rencontrer. Toujours un ou deux individus se tenaient penchés sur son travail ou sur les dessins de M. Burkhardt. Ils semblaient trouver tout à fait extraordinaire qu'il pût venir à l'idée de quelqu'un de faire le portrait d'un poisson. Mais nous apprîmes ainsi jusqu'à quel degré ces enfants de la forêt sont familiers avec les objets naturels qui les entourent, plantes, oiseaux, insectes ou poissons. Ils demandaient très-souvent à voir les dessins et, en feuilletant une pile de plusieurs centaines d'esquisses coloriées, ils reconnaissaient généralement tous les animaux. Les enfants eux-mêmes disaient de suite le nom, ajoutant parfois : « é filho d'este, c'est le petit de celui-ci,» distinguant ainsi très-bien le jeune de l'adulte et i n diquant la parenté. A cinq heures, nous quittâmes le sitio dans trois canots, les musiciens nous suivant sur la plus petite des embarcations. Nos amis les Indiens ne se séparèrent de nous qu'au bord de l'eau avec de bruyants adieux, en agitant leurs chapeaux et poussant de joyeux hourras. Le retour à la rame sur le lac et l'igarapé fut délicieux. Q u a n d nous sortîmes du petit canal, le soleil était couché depuis longtemps et le Rio Negro, largement ouvert sur l'Amazône, paraissait une mer argentée. L e canot des musiciens s'étant alors placé bord à bord avec le nôtre, nous revînmes au son des modinhas, chansons du pays qui semblent spécialement faites pour l'accompagnement de guitare et ont u n cachet particulier. Ce sont de petites strophes g r a cieuses, lyriques, sur un rhythme mélancolique, et


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