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VOYAGE AU
BRÉSIL
toire de l'humanité, pourrait bien avoir été une chemise. Cette figure extraordinaire est surmontée d'un chapeau de paille, criblé de trous, incliné dans n ' i m porte quelle direction et noué sous le menton au moyen d'une ficelle rouge. Si nous avions dû le garder, nous eussions essayé de lui faire revêtir u n e livrée moins fantaisiste, mais aujourd'hui même il cède la place à un jeune Indien, nommé Bruno, dont l'aspect est plus décent. Celui-ci paraît ahuri par ses nouvelles fonctions. Pour le moment, sa manière de servir à table consiste à s'asseoir sur le plancher et à nous regarder m a n g e r ; heureusement nous avons espoir de le dresser peu à peu. Il paraît n'avoir pas quitté la vie des bois depuis bien longtemps, car sa figure est profondément tatouée en noir, et il a le nez et les lèvres percés de trous q u i attestent de quel luxe d'ornements, morceaux de bois ou plumes, il a fait le sacrifice en l'honneur de la civilisation. O u t r e Bruno, nous avons une servante, Mlle Alexandrina, qui, à en juger par l'apparence, doit avoir dans les veines u n mélange de sang indien et de sang nègre. Elle promet beaucoup et semble joindre à l'intelligence de l'Indien la souplesse plus grande du nègre. 29 septembre. — U n des grands charmes de notre séjour à Teffé, c'est que nous avons, tout à portée, de ravissantes promenades. Mon plaisir le plus vif est de faire, de grand matin, une course à la forêt q u i domine le village. C'est quelque chose d'admirable que de voir, de cette élévation, le soleil se lever sur les maisonnettes qui sont à nos pieds, sur le lac pittoresquement découpé, sur les petits canaux q u i le prolongent, et, à l'arrière-plan. sur les grandes forêts de la rive opposée-