Voyage au Brésil

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VOYAGE AU

BRÉSIL

troubler toute cette poésie. Quant à moi, pourvue d'une excellente moustiquière, je dormis parfaitement, d'un sommeil calme et bienfaisant. Déjà, il était grand jour quand je fus éveillée par les femmes de la maison qui m'apportaient, avec leurs souhaits du matin, u n charmant bouquet de roses et de jasmin cueillis aux arbustes du voisinage. Après une aussi aimable attention, je ne pouvais pas leur refuser le plaisir d'assister à ma toilette, encore moins leur défendre d'ouvrir ma valise et d'en tirer u n à un tous les objets. Dans la matinée, mes amies indiennes m'ont montré la manière de préparer le manioc. Cette plante est d'une inestimable valeur pour ces pauvres gens : elle leur donne la farine — sorte de fécule grossière qui remplace pour eux le pain, — le tapioca et encore une sorte de jus fermenté qu'ils appellent le tucupi, présent d'un prix douteux puisqu'il leur fournit le poison de l'ivresse. Après avoir été pelés, les tubercules de manioc sont raclés sur une râpe grossière. On obtient ainsi u n e sorte de pâte humide qu'on bourre dans des tubes en paille, élastiques, faits avec les fibres tressées du palmier jacitara (desmonchus). Lorsque ces tubes, à chaque extrémité desquels il y a toujours une anse, sont remplis, l'Indienne les suspend à u n e branche d'arbre ; elle passe ensuite dans l'anse inférieure une forte gaule dont elle fixe un bout dans un trou pratiqué a u tronc de l'arbre. S'asseyant alors sur l'extrémité libre du bâton, elle le transforme en une sorte de levier primitif sur lequel elle pèse de tout son poids et détermine ainsi l'allongement du cylindre élastique qui s'étire à l'excès d'une extrémité à l'autre. La pâte se trouve fortement pressée et le jus s'échappant vient couler


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