Voyage au Brésil

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VOYAGE AU

BRÉSIL

28 juillet. — Bahia. — La moitié des plaisirs de la vie naissent du contraste, et c'est certainement en bonne partie à cette loi qu'il faut rapporter notre joie d'aujourd'hui. Après trois jours passés, avec un demimal de mer, sur u n bateau mal tenu et surchargé de gens, c'est u n délicieux changement que de se trouver dans une fraîche maison de campagne, où nous accueille cette hospitalité, la plus gracieuse de toutes, par laquelle hôtes et visiteurs s'affranchissent mutuellement des honneurs à faire et à recevoir. Assise sous l'épais ombrage d'un énorme manguier, un livre sur mes gen o u x , tantôt je lis, tantôt j'écoute paresseusement bruire les feuilles ou roucouler les pigeons qui picotent çà et là le sol carrelé du vestibule ; tantôt enfin je regarde les nègres qui, un panier de verdure ou une corbeille de fleurs et de fruits sur la tête, vont et viennent pour le service de la maison. Quand pour la première fois on arrive dans l'Amérique du S u d , c'est à Bahia qu'il faudrait pouvoir prendre terre. Aucune autre ville ne manifeste à u n aussi haut degré le caractère, ne reproduit aussi visiblement la physionomie, ne porte à un degré aussi saillant l'empreinte de la nation à laquelle elle appartient. Nous n'avons fait, ce matin, que traverser la ville et nous n'en pourrions dire que bien peu de chose, mais nous en avons assez vu pour confirmer tout ce qu'on raconte du pittoresque et de l'originalité de son aspect. E n débarquant, nous nous trouvâmes a u pied d'une colline presque perpendiculaire; des nègres accoururent offrant de nous transporter au sommet de cette côte escarpée et inaccessible aux voitures, dans une « cadeira, » sorte de chaise recouverte de


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