Voyage au Brésil

Page 105

VOYAGE AU BRÉSIL

67

ne pas dire quel étonnement l'on ressent en voyant ces légions de fourmis voyager sur la route qu'elles-mêmes ont tracée si nettement, en usant, pour ainsi dire, le sol. Celles qui viennent disparaissent presque entièrement sous les fragments de feuilles qu'elles portent, tandis que celles qui ont déjà déposé leur moisson retournent précipitamment au travail. Il paraît y avoir une certaine catégorie d'individus qui courent çà et là et dont la fonction n'est pas très-facile à deviner, à moins que ce ne soit une sorte de prévôts faisant la police de l'atelier. Cette supposition est confirmée par une anecdote que m'a racontée un Américain résidant ici. Il vit, une fois, u n de ces individus singuliers arrêter une fourmi qui revenait à vide à l'habitation, la châtier sévèrement et la renvoyer à l'arbre, probablement pour y accomplir la tâche qui lui avait été assignée. Les fourmis saouvas sont la plaie des caféries, et il est très-difficile de les détruire. Les chasseurs du voisinage commencent à arriver, et notre bande joyeuse s'est considérablement accrue. Cette vie de fazenda, au moins dans les parties de plaisir comme celle-ci, a quelque chose des mœurs de la vie menée dans les châteaux au moyen âge. La famille et les hôtes prennent place au haut bout de la table, tandis qu'à l'extrémité opposée vient s'asseoir la famille de l' « administrador », personnage qui correspond, je pense, à l' « overseer » (surveillant-régisseur) de nos plantations du Sud. Notre administrador est un gros homme à la physionomie originale, presque toujours affublé d'une blouse grise serrée au corps par une large ceinture de cuir noir, dans laquelle sont passés sa poudrière et son couteau ; un petit cor en bandoulière, un


Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.