Géographie complète et universelle. Tome 4

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LIVRE CENTIÈME.

Les Guanches, célèbres par leur taille élancée, et souvent remarquables par une belle chevelure blonde, ont fourni de superbes traits au pinceau d'historiens mécontents de leur siècle, et peu de temps après la découverte de l'Amérique, on se plaisait à signaler les généreuses vertus des Guanches, comme on a célébré de nos jours l'innocente douceur des insulaires d'Otaïti, ou comme Tacite a tracé le tableau séduisant des peuples germaniques. En effet, si les Guanches offrent quelque analogie avec les colosses de l'ancienne Germanie, ils paraissent avoir ressemblé sous d'autres rapports aux Otaïtiens. Nous les voyons gémir, les uns et les autres, sous le joug du gouvernement féodal. Chez les Guanches, cette institution, qui facilite et perpétue les guerres, était sanctionnée par la religion. Les prêtres disaient au peuple : « Le grand esprit, Acharnas, a créé d'abord les nobles, les Achimenceys, auxquels il a distribué toutes les chèvres qui existent sur la terre. Il créa ensuite les plébéiens, les Achicaxnas. Cette race, plus jeune, eut la hardiesse de demander aussi des chèvres ; mais l'Être suprême répondit que le peuple était destiné à servir les nobles et qu'il n'avait besoin d'aucune propriété. » Le faycas, ou grand-prêtre, exerçait le droit d'anoblir, et une loi portait que tout Achimençey qui s'avilirait jusqu'à traire une chèvre de ses mains perdrait ses titres de noblesse. Cette loi ne rappelle point la simplicité des mœurs du siècle homérique. Les momies de cette nation qu'on voit dans les cabinets de l'Europe proviennent de cavernes sépulcrales taillées dans le roc, sur la pente orientale du pic de Ténériffe. Les anciens Guanches, lorsqu'ils avaient déposé dans ces catacombes une quantité suffisante de corps, prenaient la précaution d'en fermer l'entrée, et l'on prétend que la connaissance des lieux de sépulture était un secret qui se transmettait successivement à de certaines familles. Ces momies, maintenant très-rares aux Canaries même, sont dans un état de dessiccation si extraordinaire, que les corps entiers, munis de leurs téguments, ne pèsent souvent que six à sept livres, c'est-à-dire un tiers de moins que le squelette d'un individu de la même grandeur, dépouillé récemment de la chair musculaire. Le crâne offre, dans sa conformation, quelques légers rapports avec celui de la race blanche des Égyptiens, et les dents incisives sont émoussées chez les Guanches comme dans les momies trouvées sur les bords du Nil. Mais cette forme des dents est due à l'art seul ; et, en examinant soigneusement la physionomie des anciens Canariens, des anatomistes habiles ont reconnu dans les os zygomatiques et à la mâchoire inférieure des différences sensibles avec les momies égyptiennes. Au surplus, il paraît que la découverte de ces cadavres desséchés a prouvé


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