Géographie complète et universelle. Tome 4

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AFRIQUE. — ILES AFRICAINES OCCIDENTALES.

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forme, depuis 1822, un gouvernement militaire et une province de l'Espagne, où elle a ses représentants aux Cortès ; son organisation administrative est celle des autres provinces de la mère patrie. Les habitants des Canaries, connus sous le nom d'Islenos (les Insulaires), émigrent en grand nombre à la côte de Caraccas et aux Philippines. Vifs et spirituels comme des Andalousiens, ils aiment l'instruction et le travail comme des Biscayens-, ils prononcent l'espagnol avec une douceur particulière1. Des philosophes, comme Clavijo, des poètes, comme Yriarte, ont illustré cette peuplade, qui compte encore dans son sein quelques savants estimables, et chez laquelle les bons livres français ne sont rien moins qu'inconnus. Les Canaries, le Cap et l'Ile de-France, ont longtemps formé en Afrique presque tout le domaine de la civilisation. Les droits féodaux, les majorats et l'étendue des terres domaniales en friche, arrêtent cependant aux Canaries les progrès de la culture et de la prospérité publique. Que sont devenus les Guanches, dont les momies seules, enfouies dans des cavernes, ont échappé à la destruction? Au quinzième siècle, quelques nations commerçantes, surtout les Espagnols et les Portugais, cherchaient des esclaves aux îles Canaries, comme on en cherchait dernièrement sur la côte deGuinée. Sous les Guanches, l'archipel des Canaries était divisé en plusieurs petits États, ennemis les uns des autres, et la cupidité des Européens entretenait des guerres intestines pour acheter les prisonniers -, plusieurs préférèrent la mort à la servitude, et se tuèrent eux et leurs enfants. C'est ainsi que la population des Canaries avait déjà considérablement souffert par le commerce des esclaves, par les enlèvements des pirates, et surtout par un carnage prolongé, lorsque Alonzo de Lugo en acheva la conquête. Ce qui restait des Guanches périt, en 1494, dans la fameuse peste appelée modorra, que l'on attribuait à la quantité de cadavres que les Espagnols avaient laissés exposés à l'air après la bataille de la Laguna. Cette belle nation des Guanches était à peu près éteinte au commencement du dixseptième siècle ·, on n'en trouvait plus que quelques vieillards à la Candelaria et à Guimar, dans l'île de Ténériffe. Aujourd'hui, il n'existe dans tout l'archipel aucun indigène de race pure. Quelques familles de Canariens se vantent de leur parenté avec le dernier roi-pasteur de Guimar; mais ces prétentions ne reposent pas sur des fondements très-solides : elles se renouvellent de temps en temps, lorsqu'il prend envie à un homme du peuple, plus basané que ses concitoyens, de solliciter un grade d'officier au service du roi d'Espagne. 1

Viagero universal, t. XI, p. 227.


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