Géographie complète et universelle. Tome 4

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LIVRE QUATRE-VINGT-SEIZIÈME.

sous cette croûte brûlée. Nourries par la pluie dans la saison humide, ces racines se gonflent sous terre; les jeunes pousses se développant et s'élevant tout-à-coup, et toutes à la fois, couvrent dans un instant la plaine, naguère si aride, d'une verdure éclatante; bientôt les calices des lis et les couronnes des mésembryanthèmes étalent partout leurs couleurs brillantes, et remplissent l'air des parfums les plus pénétrants et les plus délicieux. Alors, les antilopes agiles, et l'autruche, penchée sur ses pattes élancées, descendent en foule des montagnes voisines. Les colons y amènent de toutes parts leurs troupeaux, qui dans ces riches pâturages prennent des forces nouvelles. Point de dispute sur la jouissance de ces prairies naturelles ; elles sont assez vastes pour que tout le monde s'y trouve à l'aise. Les colons cherchent môme à se rapprocher pour converser entre eux et resserrer les liens d'amitié et de parenté qui unissent souvent des familles séparées en d'autres saisons par de vastes espaces. La vie du Karrou est, pour les colons du Cap, l'image du siècle d'or. De légers travaux en interrompent l'uniformité et la rendent même très-lucrative; les enfants et les esclaves recueillent les branches de deux arbrisseaux , compris sous le nom de channa1, et dont on tire la potasse. Les adultes s'occupent à tanner les peaux de bœufs pour les vêtements et les souliers. Mais la magnificence du Karrou ne dure qu'un mois, à moins que des pluies tardives y entretiennent la vie végétale. La longueur croissante du jour au mois d'août donne aux rayons solaires une puissance destructive : les plantes sont desséchées; le désert reparait de toutes parts. Bientôt les hommes et les animaux abandonnent ces lieux désormais inhabitables. Les végétaux qui résistent, tels que Yatriplex albicans, les polygala, se revêtent d'une croûte grisâtre; une poudre de la même teinte recouvre les plantes grasses qui continuent à se nourrir d'air. Partout on ne voit que le sol brûlé, parsemé d'une poussière noirâtre, seul reste des végéiaux desséchés. C'est ainsi que la vie et la mort se succèdent ici dans une rotation éternelle. Les mon tagnes de cette extrémité du continent africain sont, comme nous l'avons déjà fait observer, des falaises énormes; ce sont les tranchants des terrasses par lesquelles le plateau central descend sur la mer. La direction de ces montagnes est généralement du nord-ouest au sud-est ; elles se terminent plus abruptement à l'ouest, et même au sud, que du côté oriental, où, en se prolongeant sous les eaux de la mer, elles forment des récifs dangereux. Le granit, qui, du côté de l'ouest, ne se rencontre qu'à 50 mètres au-dessus du niveau de la mer, se retrouve sur les bords du fleuve Kaïman, 1

Sa'sola aphylla et Salicernia fruticosa.


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