Géographie complète et universelle. Tome 4

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LIVRE QUATRE-VINGT-QUATORZIÈME.

commerce des nègres, ne doit pas donner pour principal motif de son improbation la funeste influence de ce trafic sur la prospérité des Africains. Il ne peut guère y avoir de bonheur public ni particulier dans une partie du monde où régnent des lois et des mœurs aussi barbares. Les deux tiers de la population nègre vivent déjà chez eux dans un état d'esclavage héréditaire, ou peuvent du moins y être réduits d'un instant à l'autre par le moindre mot de leurs despotes. Peu importe à la majeure partie de ces infortunés quelle contrée ils arrosent de leur sueur et de leurs larmes. Il est vrai que l'aspect de tant d'individus vendus avec une apparence de droit, provoque, de la part des marchands d'esclaves, quelques tentatives pour s'emparer d'hommes libres. On en cite d'affreux exemples. Un de ces marchands, connu sous le nom anglais de Ben-Johnson, avait ravi une jeune fille libre, et venait de la vendre à un capitaine anglais. Il s'en retourne avec le prix de son crime ; mais près du rivage, d'autres nègres aposlés par le prince ou les chefs du village, l'attaquent, le lient, et en criant au voleur ! le ramènent au vaisseau et l'offrent en vente. Ben-Johnson eut beau invoquer l'amitié du négrier européen, et lui rappeler qu'il était un homme libre et son plus habile fournisseur d'esclaves. «C'est égal, répondit l'insen« sible Anglais, puisque ces hommes le vendent, je t'acheté ; » et aussitôt il lui fait mettre les fers. D'autres fois une horrible avidité fait oublier tous les liens du sang. On a vu des mères vendre leurs enfants en bas âge pour quelques boisseaux de riz. Un Africain, robuste et jeune, amenait un jour son fils adolescent pour le vendre aux Européens-, celui-ci, plus rusé et plus instruit dans la langue des étrangers, leur démontra que son père, par sa vigueur et sa taille, valait mieux que lui, et les détermina à le garder à sa place, quoique ce dernier ne cessât de crier «qu'un fils n'a pas le droit « de vendre son père. » Il est impossible de nier que ces forfaits ne doivent leur origine à l'infâme trafic des nègres. La circonstance la plus funeste, c'est que, pour s'emparer d'une centaine d'hommes, les princes africains en immolent souvent un millier; car, lorsque ces despotes ne trouvent pas des individus qu'ils puissent condamner à être vendus, ils font donner régulièrement la chasse aux habitants d'un village entier comme à une troupe de bêtes fauves ; les uns résistent les armes à la main, les autres se sauvent dans les forêts, dans les autres des lions et des panthères, moins impitoyables que leurs compatriotes. Plusieurs contrées ont été dépeuplées par suite de ces atrocités. Mais, dans les mémorables discussions que la traite des nègres a fait naître


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