Géographie complète et universelle. Tome 4

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AFRIQUE. — NÈGRES.

couche de poudre d'or. Un chapeau européen à large galon d'or couvrait sa tête ; une ceinture de drap d'or lui ceignait les flancs , et depuis le cou jusqu'aux pieds, les cornalines, les agates et les lapis-lazuli s'enlaçaient en bracelets et en chaînes ; ses pieds reposaient dans un bassin d'or. Les grands de son royaume étaient couchés par terre, la tête couverte de poussière : une centaine de plaignants et d'accusés étaient dans la môme posture; derrière eux, vingt bourreaux, le sabre nu à la main, attendaient le signal du roi, qui ordinairement terminait les procès en faisant décapiter l'une et l'autre partie. L'envoyé danois ayant passé à côté de plusieurs têtes sanglantes, récemment abattues, s'approcha du trône. Le très-haut, le flamboyant lui adressa les questions les plus gracieuses. «Je voudrais bien te « garder quelques semaines, afin de te donner une idée complète de ma « grandeur. As-tu jamais rien vu de semblable? —Non, seigneur roi, ton « pareil n'est pas dans le monde. — Tu as raison ; Dieu , dans le ciel, ne « me surpasse que très-peu. » Le roi but de la bière anglaise dans une bouteille qu'il remit immédiatement au Danois : celui-ci n'en but que peu, et s'excusa en disant que la boisson l'enivrerait. « Ce n'est pas la bière « qui t'enivre, reprit Opoccou, c'est l'éclat de mon visage ; il plonge l'uni* vers dans l'ivresse. » — Ce même roi vainquit le vaillant prince Oursoué, chef des Akims, qui se donna lui-même la mort. Il se fit apporter sa tête, l'orna de bracelets d'or, et lui adressa, en présence de ses généraux, le discours suivant : « Le voici donc par terre, ce grand homme qui n'avait « d'égal que Dieu et moi! Il était certainement le troisième. 0 mon frère « Oursoué, pourquoi n'as-tu pas voulu te reconnaître inférieur à moi? « Mais tu espérais trouver une occasion de me tuer ; tu pensais qu'il ne « devait y avoir qu'un seul grand personnage dans le monde : ton senti« ment n'était pas blâmable; tous les grands rois doivent le partager.1 » Les actions féroces de ces petits tyrans ne révoltent pas un peuple aussi sanguinaire qu'eux, et qui, même après leur mort, s'empresse d'assouvir la soif du sang humain dont leurs royales ombres sont censées être dévorées. Les Akims immolèrent sur le tombeau du roi Freempoung ses esclaves, au nombre de plusieurs milliers, son premier ministre et 336 de ses femmes. Toutes ces victimes furent enterrées vivantes après qu'on leur eut brisé les os. Le peuple, pendant plusieurs jours, exécuta des danses accompagnées de chants solennels autour du tombeau où ces infortunés éprouvaient une lente et horrible agonie. Ces traits peuvent faire penser que le philanthrope, en condamnant le 1

Rœmer : Relation de la Côte-d'Or. IV.

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