Géographie complète et universelle. Tome 4

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LIVRE QUATRE-VINGT-QUATORZIÈME.

électif, des aristocraties turbulentes et désastreuses. L'autorité de chacun s'accroissant en raison de la quantité d'or et du nombre d'esclaves qu'il possède, les cabossiers cherchent à l'envi à s'enrichir en dévastant les vil lages de leurs rivaux. De là, ces éternelles petites guerres qui désolent presque toutes les contrées nègres, et qui n'ont pour but que l'enlèvement de quelques malheureux qu'on vend aux Européens. Les lois, conservées de mémoire, punissent avec sévérité tous les désordres; mais leur exécution est précaire dans un État anarchique, et les chefs absolus en abusent cruellement pour avoir beaucoup d'esclaves à vendre. Généralement, le moindre vol est puni de cette manière. Les simples particuliers qui réclament une créance ont au contraire beaucoup de peine à se faire rembourser. Des avocats, très-bavards et très-intrigants, déploient un art étonnant devant les palavers ou assemblées judiciaires. Mais un négociant qui ne peut obtenir justice, se paye souvent lui mémo en faisant enlever et vendre comme esclaves les enfants ou les parents du débiteur infidèle. Il serait heureux pour l'Afrique de voir les grands empires de Bournou et de Fellatah, et les royaumes de Bambara et de Tembouctou, se consolider et devenir les foyers d'une civilisation au moins asiatique. Malheureusement l'état de ces pays paraît avoir peu de stabilité. Les changements de la capitale de Bournou, qui ont causé tant d'incertitudes aux géographes, viennent probablement de ce que parmi un grand nombre de sultans héréditaires, dont chacun est maître d'une province, tantôt l'un et tantôt l'autre arrive, par droit d'élection ou par droit de conquête, à l'exercice du suprême pouvoir. Deux causes particulières empêchent la Nigritie d'arriver à une assiette stable; c'est d'abord le voisinage des Maures, peuple remuant, peuple adonné au brigandage, peu capable de fonder ou de conserver un empire; ensuite le grand nombre de tribus nomades arabes qui, dans leur pauvreté pastorale, bravent même l'autorité des puissants monarques de Bournou. L'orgueil des petits despotes de l'Afrique égale leur barbare et dégoûtante férocité. Nous avons frémi en les voyant s'asseoir sur un trône d'or, au milieu de crânes humains : nous sourirons en écoutant le pompeux discours de ces princes, dont les plus grandes armées ne s'élèvent que rarement à une dizaine de milliers d'hommes. Les Danois ont tracé le portrait du roi des Achantis, nommé Opoccou. Ce monarque s'asseyait sur un trône d'or massif, à l'ombre d'un arbre dont les feuilles étaient également en or. Son corps, excessivement maigre, et d'une longueur démesurée, était enduit de suif sur lequel on avait jeté une


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