Géographie complète et universelle. Tome 4

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LIVRE QUATRE-VINGT-SEPTIÈME.

chas, c'est-à-dire exilés, présentent le phénomène historique le plus singulier. Cette nation paraît avoir formé, pendant des siècles, un État plus ou moins indépendant dans la province de Sémen, sous une dynastie dans laquelle les rois portaient constamment le nom de Gideon, et les reines celui de Judithi1. Aujourd'hui, cette famille étant éteinte, les Falasjan (Felachas) obéissent aux rois d'Abyssinie2. Ils exercent les métiers de tisserand, de forgeron et de charpentier. Selon Ludolf, ils avaient des synagogues et des bibles hébraïques ; ils parlaient un hébreu corrompu3 ·, Bruce assure qu'ils ne possèdent les livres sacrés que dans la langue gheez; qu'après avoir oublié l'hébreu, ils parlent un jargon particulier, et qu'ils ignorent le Talmud, le Targorun et la Kabbala. Le plus grand nombre de Falasjan demeurent sur les bords du Bahr-cl-Abiad. C'est précisément la conlrée qu'occupaient les exilés égyptiens, les Asmach, les Sebridœ. Les causes de leur établissement en Abyssinie sont encore un problème à résoudre; mais leur existence n'en est pas moins un fait très-important pour l'ethnographie. Suivant l'Opinion de Marcus, c'est entre les années 643 et 330 avant l'ère chrétienne que des Juifs ont fondé cette colonie. Il paraît qu'à l'époque de la conquête de la Judée par Nabuchodonosor, vers l'an 596 avant J.-C., un grand nombre d'habitants se réfugièrent en Arabie et en Egypte, d'où ils purent passer en Abyssinie. Dès le temps d'Alexandre le Grand, les Juifs portaient dans ce pays le nom de Falasjan. Ils y ont conservé jusque dans ces derniers temps leur langue, leur religion, leurs lois, leurs mœurs, et ce qu'il y a de plus remarquable, leur indépendance. Lorsque Bruce visita l'Abyssinie, ils étaient assez nombreux, selon lui, pour pouvoir mettre sur pied une armée de 50,000 hommes: il parait cependant que depuis l'année 1800, la partie du Sémen qu'ils occupent est devenue une dépendance du Tigré. M. Lefebvre, voyageur français qui visita ces Juifs abyssins, les nomme Felachas. Ils étaient, dit-il, répandus autrefois dans toutes les provinces-, mais on ne les trouve plus aujourd'hui que dans les pays de Dember, de Sakket, d'Alafa et de Tchelga. Tout porte à croire qu'ils remontent aux nombreuses émigrations du peuple hébreu. Issus d'une civilisation plus avancée que celle du pays où ils se sont fixés, ils conservent encore leur prééminence : eux seuls sont exempts de tout impôt et sont affranchis du service militaire. 1

Bruce, Voyage, t. I, p. 528; t. It, p. 19; t. ΙΠ, p. 340, trad. all. Salt, Voyage en Abyssinie, t.I, p.211, traduct.franc 3 Ludolf, Histor, Ethiop., I.I, cap. XIV.

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