Géographie complète et universelle. Tome 4

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LIVRE

QUATRE-VINGT-UNIÈME.

Carthage avait fondé un autre empire dans l'Occident. Ses hardis navigateurs, ses actifs négociants pénétrèrent jusqu'au cap Blanc par mer, et jusqu'au Niger par terre ; mais ils n'avaient, pour soumettre les nations, d'autre moyen que la force de leurs armes ou l'appât de quelques marchandises, intimement liés avec les peuples de la race maure ou berbère, dont ils développèrent les talents pour la guerre en levant parmi eux leurs troupes légères, ils n'exercèrent qu'une influence indirecte sur les Éthiopiens ou les Nègres. Abandonnée à elle-même et à la nature, cette race borna ses efforts à arracher à la terre des aliments simples et faciles. Le gouvernement des petits patriarches despotes céda la place à des monarchies plus étendues. Le conseil des principaux guerriers, comme chez toutes les nations sauvages, conserva presque partout une autorité égale à celle des rois. Dans les associations mystérieuses de quelques nations de la Guinée, on vit revivre l'esprit des prêtres de Méroé. Le changement le plus essentiel que subit la constitution civile de l'Afrique, fut la distinction établie entre les esclaves et les hommes libres. Cette distinction existait chez les Grecs et les Romains avec des caractères aussi odieux, aussi inhumains que dans l'Afrique; mais en Europe elle fut abolie par le christianisme : ici elle s'est perpétuée. Les Romains, hors des limites de leur empire, n'eurent des rapports directs qu'avec les habitants de Fezzan, de la Nubie, et fort tard avec l'Abyssinie ou le royaume d'Axum. Aussi le christianisme ne put-il étendre ses lumières sur l'occident, le centre et le midi de l'Afrique. Ses bienfaits, répandus sur le nord, disparurent pendant des guerres désastreuses. 11 était réservé au mahométisme d'opérer un changement dans la marche de la civilisation africaine. Monté sur l'agile dromadaire ou sur de légers navires, la fanatique Arabe courait planter l'étendard de son prophète jusqu'aux

bords du Sénégal et jusqu'aux rivages de Sofala. Aucun peuple ne réunissait plus de qualités pour conquérir et pour conserver l'empire do l'Afrique. H trouvait dans les Mauritaniens et les Numides des frères et des amis naturels. Mœurs, aliments, climat, tout les rapprochait. L'esprit fanatique du mahométisme devait étonner et subjuguer les imaginations ardentes des Africains ; la simplicité de la croyance musulmane convenait à leur intelligence bornée, et s'alliait sans peine aux superstitions du fétichisme, aux idées de ces peuples sur la magie et les enchantements. L'Afrique, et surtout les oasis du grand désert, fournirent bientôt à la nouvelle religion ses plus zélés défenseurs. L'esclavage civil et le gouvernement despotique n'éprouvèrent aucun changement, si ce n'est que les marabouts ou prêtres


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