Journal du voyage fait par ordre du Roi à l'Equateur

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dès 1 7 3 4 , FUR la feule infpection des cartes, eût été d'une exécution plus aifée que je n'ofois alors le préfumer ; que rien n'auroit empêché de mefurer plufieurs degrés du méridien au fud de Cayenne, fans fortir des terres de France ; & qu'avec des paffeports de Portugal, on eût pu facilement pouffer la mefure jufque fous l'équateur. J e ne répéterai point ici ce que j'ai dit ailleurs, au fujet de ce mouvement terrible des marées, que les Indiens nomment Pororoca, & qui fait dans tout ce canton de grands ravages à toutes les pleines lunes : la frayeur de mes Indiens & de leur chef de route les fit arrêter malgré m o i , pour attendre que ce temps redoutable fût paffé ; ce qu'ils exécutèrent fi complètement, que par ce long délai peu s'en fallut que les marées de la nouvelle lune fuivante ne nous devinffent funeftes. Nous paffâmes cet intervalle de douze jours dans une ifle déferte, que j'ai nommée fur ma carte Ifle de la Pénitence : il n'y avoit pas où mettre le pied à fec, & je ne fortis point de mon canot, dans lequel il fembloit que tous les mouftiques de l'ifle fe fuffent raffemblés; de là, nous atteignîmes en deux jours, ainfi que je l'avois prévu, le cap de Nord, qui termine fans équivoque l'embouchure de l'Amazone du côté de l'oueft. Si on prend vers l'eft la pointe de Maguari pour l'autre terme, la bouche du fleuve aura, fuivant mes routes, un peu moins de cinquante lieues marines, & environ foixante lieues communes; & fi on veut abfolument y comprendre celle de la rivière du Para, l'embouchure totale aura plus de foixantedix de ces dernières.

1744. Janvier.

Pororoca.

Ifle de la Pénitence.

Le lendemain du jour où je doublai le cap de Nord, mes Février. guides ayant voulu, malgré moi, jeter l'ancre en pleine marée, Canot refté à fec. fur un bas-fond, les eaux, en fe retirant le premier jour à peu de diftance de nous, & s'éloignant de plus en plus les jours fuivans, lafisèrent le canot à fec, ou pluftôt engagé dans une mer de boue, où mes Indiens enfonçoient jufqu'à-la ceinture, quand ils fe hafardoient à fortir pour chaffer, ou pour aller chercher à deux lieues de-là une eau faumâtre, que la

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