Journal du voyage fait par ordre du Roi à l'Equateur

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1742. Juin.

Nous montons à la bouche du volcan,

INTRODUCTION

mes pas, en plus grand nombre à mefure que j'avançois de ce côté-là, fembloient m'affurer que j'approchois de la bou-, cire du volcan ; mais la brume, qui augmentoit, me fit reprendre le chemin de la tente. En defcendant, j'effayai de gliffer fur la neige, vers fon bord inférieur, dans les endroits où elle étoit unie, & la pente peu rapide : l'expérience me réuiffit affez bien ; j'avançois quelquefois dix à douze toifes d'un élan, fans perdre l'équilibre; mais lorfqu'après cet exercice je me retrouvai fur le fable, je m'aperçus au premier pas que je n'avois plus de femelles. Nous reçûmes, en arrivant à la tente, quelques provifions & rafraîchiffemens, que Don Gregoire de Léon, Curé d'un bourg voifin de Quito, nous envoyoit en préfent, & qui arrivèrent fort à propos. Le lendemain 1 7 au matin, M. Bouguer propofa d'aller du côté de l'oueft, où étoit la grande brêche du volcan. C'étoit par-là qu'il avoit fait fa première tentative la veille de mon arrivée ; mais la neige qui étoit tombée la nuit précédente, rendoit les approches plus difficiles que jamais, & s'étendoit fort loin au deffous de notre tente. Enhardi par mes expériences de la veille, je dis à M. Bouguer que je favois un chemin encore plus court : c'étoit de monter tout droit pardeffus la neige à l'enceinte de la bouche du volcan, & je m'offris à lui fervir de guide. Je pris les devans un long bâton à la main, avec lequel je fondois la profondeur de la neige : je la trouvai en quelques endroits plus haute que mon bâton, mais cependant affez dure pour me porter. J'enfonçois tantôt plus, tantôt moins ; prefque jamais beaucoup au deffus du genou. C'eft ainfi que j'ébauchai dans la partie de la montagne que la neige couvroit, les marches fort inégales d'un efcalier d'environ cent toifes de haut. En approchant de la cime, j'aperçus entre deux rochers l'ouverture de la grande bouche, dont les bords intérieurs me parurent coupés à pic; & je reconnus que la neige qui les couvroit du côté où je m'étois avancé la veille, étoit minée en deffous. J e m'approchai avec précaution d'un rocher nud qui dominoit tous ceux de l'enceinte.


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