Etude pratique sur les colonies anciennes et modernes

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— 264 — en ont conservé à la France? Nous le verrons plus loin. Ils ont commis d'impardonnables fautes dont les conséquences ont été des plus funestes, mais ils ont toujours eu l'adresse d'en rejeter la responsabilité sur les compagnies devenues le bouc émissaire. Mais il serait injuste d'accuser les compagnies seules de cette décadence coloniale. A côté du fatal système qu'elles pratiquaient, s'en trouvait un autre non moins condamnable, celui mis en œuvre par le gouvernement de la métropole. Celui-là dévorait le présent et mettait l'avenir en péril. Il vendait à ses compagnies le droit de ravager les colonies. Dans son insatiable rapacité, il assujetissait les privilèges accordés aux compagnies à de minutieuses restrictions qui devaient empêcher toute administration régulière et sérieuse, afin de les marchander une à une et de les revendre encore. On pourrait calculer les cessions des colonies françaises par les fortunes de certains hommes d'Etat du vieux temps ; et lorsque les gouvernements de la métropole ne trouvaient plus d'acheteurs à qui les vendre, ils cherchèrent des grands seigneurs à qui lesdonner.

Ne voulant pas introduire aux colonies la liberté que leur avait promise Coligny, ne sachant pas y protéger le pouvoir par la marine créée par Colbert, ils imaginèrent le misérable système d'asservir les possessions d'outre-mer aux compagnies et d'asservir les compagnies à leur propre caprice. Aussi, tout fut violent, arbitraire, sans législation reconnue, sans protection assurée. La marine, au lieu de protéger les colonies, les troublait, les servait mal et même les abandonnait lorsqu'il fallait les défendre. Les amiraux ne Voulaient pas se soumettre aux compagnies et les compagnies n e voulaient pas obéir aux amiraux à cause de la perte de l'Inde. Les compagnies créées, réformées, soutenues, délaissées, et toujours pressurées, étaient contraintes, à leur tour, de porter l e ravage dans les colonies pour assouvir leur propre cupidité et celle du gouvernement. Dans ces conditions, ne nous étonnons point qu'un jour arriva où le domaine colonial de la France fut réduit à l'île de Bourbon, improductive et onéreuse ; à la Guyane et Sénégal, coûtant beaucoup et ne rapportant rien; et enfin à la Martinique et à la Guadeloupe, ne valant pas les frais d'une marine protectrice. On eut dit que les


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