Etude pratique sur les colonies anciennes et modernes

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— 346 — ment possible, afin de renouveler l'opération dans une courte période. A part quelques maisons importantes, qui ont une encaisse à leur disposition, les commerçants du Maroc ont, en général, peu de ressources en dehors de celles que leur fournissent leurs correspondants européens, système qui dévore leurs profits et diminue éventuellement leur capital. A Mogador, par exemple, un négociant qui a épuisé les fonds envoyés d'Europe, est obligé, s'il veut faire de nouveaux achats de laine ou d'huile, de se procurer des fonds par traites sur des maisons d'Europe. Il commence par leur consigner les produits dont il est antérieurement devenu acquéreur, et vend ses billets sur le marché de Mogador, à 75 ou 80 p. c. de la valeur consignée, car il n'est pas toujours aisé de trouver le change des billets sur une place qui ne possède que deux établissements de crédit proprement dit : la succursale de la Banque Transatlantique de Paris et la Banque Moses Isaac Nahon, toutes les deux bornant leurs opérations à la vente et à l'achat des valeurs sur l'étranger et quelquefois à l'escompte des traites et à l'avance des fonds sur hypothèque à un taux variant de 8 à 9 p. c. par an. Comme ces banques ne sont pas en état de suffire toujours aux exigences des commerçants et des entrepreneurs, il arrive souvent que ces derniers sont forcés d'abandonner leurs projets faute de ressources nécessaires. Nous ne voyons à cette situation qu'un remède efficace : c'est l'ouverture d'établissements financiers sur tout le littoral, afin d'encourager le commerce en faisant des avances sur le dépôt de marchandises, en organisant un système de warrants et de prêts sur pièces représentatives de consignation en Europe, afin d'escompter le papier de commerce à un taux normal. Ces banques locales seraient à même de surveiller l'emploi des fonds avancés et de suspendre le crédit en cas d'abus. En outre, les commerçants ne seraient plus obligés de consigner leurs produits quand les marchés seraient mauvais, ni contraints de réaliser au détriment des porteurs, deux faits des plus regrettables à tous les points de vue et qui, trop souvent, sont le commencement de la ruine des commerçants. C'est à cette situation onéreuse, à laquelle sont réduits les petits commerçants et qui cause la perte des spéculateurs faibles ou mal renseignés, que l'on doit attribuer le discrédit dont souffre aujourd'hui le commerce du Maroc. Cette situation dans un pays


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