Etude pratique sur les colonies anciennes et modernes

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— 331 — l'Europe entière; le vaste empire moscovite ressemblait à une ville assise sur les flancs d'un volcan qui, d'un jour à l'autre, attend que le feu intérieur fasse irruption et la détruise de fond en comble. Le nihilisme, menaçant et terrible, livrait une guerre acharnée au gouvernement russe et avait juré la mort de la monarchie. L'ennemi était redoutable car il puisait sa force dans son fanatisme, dans ses grandes ressources et dans une intelligence qui lui permettait de déjouer tous les dangers, toutes les précautions de ses adversaires. Son audace avait épouvanté la Russie et jeté l'Europe dans la stupéfaction. Sa main criminelle et vengeresse semblait être armée de la destruction et de la mort ; chacun se demandait quelle serait l'issue de cette terrible lutte, engagée entre la révolution qui sentait avec une certaine fierté les regards du monde fixés sur elle, et ce pouvoir aux abois qui ne savait plus si c'était à la sévérité ou aux concessions qu'il fallait recourir. De l'excès du mal devait sortir le remède. La Russie se révolta contre de pareils procédés employés pour conquérir la liberté et l'indépendance; l'univers civilisé s'indigna comme elle. Le nihilisme fut vaincu, ou, du moins, réduit à l'impuissance, ce qui était une autre défaite, par ce pouvoir trop confiant dans les errements du passé, mais qui, à l'heure du danger, avait enfin compris qu'il ne pouvait trouver lui-même son salut que dans des réformes salutaires en harmonie avec les progrès et les idées du temps actuel. Un empire, comme celui de la Russie, ne dépouille pas le vieil homme du jour au lendemain ; il lui faut du temps avant de renoncer aux anciennes habitudes, avant de réviser des lois d'un autre âge ; ce n'est que timidement qu'il agite le drapeau de la liberté et de l'émancipation; il ne marche à la conquête de ce qu'il convoite que lentement et avec une prudence extrême ; à preuve ce qu'il fait aujourd'hui en Chine. Mais c'est déjà quelque chose que de se réveiller, et si nous jetons un regard en arrière et comparons le passé au présent, grand et beau est le chemin parcouru par la Russie, au point de vue politique et surtout au point de vue économique. Celui-ci nous le résumons d'un mot : en 1855, la Banque nationale de Russie faisait pour cinq cent millions de francs d'affaires; elle en fait aujourd'hui pour vingt-neuf milliards.


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