Etude pratique sur les colonies anciennes et modernes

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— 22 — et l'instruction informe et grossière se transmit et s'accumula de génération en génération ; cette race d'esclaves croissait pour la liberté. La débauche, mêlant les deux couleurs, créa des métis souvent élevés dans la maison paternelle, toujours en contact avec les hommes libres, tour à tour instruits ou voyageant dans la vieille Europe, notre intelligence, notre éducation, nos sentiments, nos besoins devinrent les leurs. La plus effroyable législation des Antilles, le Code Noir de Louis XIV, avait accordé les droits de cité aux hommes de couleurs libres ; mais cette couleur, comme un signe de réprobation, les fit toujours exclure par la tyrannie coloniale, encore plus ombrageuse que le Code Noir. Par une inconcevable bizarrerie, on les priva de ces mêmes immunités dont on leur avait fait un besoin. Rejetés par les Blancs, ils firent cause commune avec les Noirs ; et, entre l'esclave et le maître, où l'intelligence est égale, le reste est une question de force de l'opportunité. A Saint-Domingue, vingt mille maîtres se trouvaient en présence de cinq cent mille esclaves ; cette inégalité, créé par la cupidité, était moins considérable dans le reste des Antilles ; mais partout elle était assez forte pour que la servitude put se tourner en liberté. Notons, en passant, que les Américains, les Hollandais et les Danois avaient un merveilleux instrument de servitude ; ils avaient rendu celle-ci tolérable, facile et presque volontaire. Si l'esclave n'y faisait point partie de la famille, comme dans les tribus romaines, il n'était point, comme dans les Etats de Sparte, complètement abruti par la misère et l'objection. Longtemps on a cru que les forts et les garnisons étaient un moyen assuré de perpétuer l'asservissement des colonies et l'esclavage des Nègres. L'établissement républicain des Etats-Unis, l'indépendance de l'Amérique du Sud, les massacres de SaintDomingue, ont mis à néant cette prétention. Le rapport de la population des colonies à celle des métropoles, du nombre des Noirs à celui des Blancs, n'eut pas dû permettre à une pareille erreur de s'accréditer. Les pontons d'Angleterre nous ont appris, d'ailleurs, que ces garnisons, insuffisantes contre une insurrection coloniale, deviennent, dans une guerre entre les métropoles, la proie facile de la puissance qui domine les mers. La question d'opportunité dont nous parlions tantôt, pouvait


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