Etude pratique sur les colonies anciennes et modernes

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— 137 — bannière de Saint-Marc parcourait triomphalement les mers à la recherche des richesses commerciales, Venise n'oubliait ni ses manufactures, ni son industrie; le Portugal, lui, négligeait, pour le commerce colonial, ses fabriques, et qui plus est, son agriculture ; il s'adonnait à un seul instinct, celui de l'avidité, sans règle ni calcul, sans prévoyance, sans même songer à établir quelque principe qui aurait pu assurer la durée de la prospérité commerciale. Le châtiment de cette conduite imprévoyante ne devait pas tarder à se faire sentir par de rudes coups. Le grandiose édifice colonial, élevé durant plus d'un siècle, allait tomber en poussière. En effet, en 1580, sous le règne de Philippe II, l'Espagne incorpora violemment le Portugal; ce fut le signal de la ruine des colonies que ce petit royaume devait au génie de ses navigateurs et à la vaillance de ses capitaines.

Pendant soixante ans, réduit à l'état de province espagnole, il devait perdre son caractère propre, la fierté et les qualités natives qui l'avaient aidé à dompter l'ingratitude de son sol et les inconvénients de sa situation géographique, ainsi que l'esprit d'indépendance qui avait fondé et consacré sa grandeur. Bien que rentré en possession de lui-même en 1040, il ne put jamais reprendre la place considérable qu'il avait autrefois occupée dans le monde; et d'abord soumis à l'influence de la France, puis à celle de l'Angleterre, après le traité de Methuen en 1703, il est demeuré jusqu'à nos jours impuissant à rétablir son autonomie absolue et sa complète indépendance de l'étranger. De son vaste empire colonial, il ne lui restait plus alors, en Amérique, que le Brésil; en Asie, Macao, Daman, Diu et Goa. Ces dernières possessions subirent, avant toutes les autres, le contrecoup de la domination espagnole sur la mère-patrie. Goa qui avait été l'orgueil de la Cour de Lisbonne, et dont les richesses et les monuments en faisaient une des cités les plus merveilleuses de l'Orient, était rapidement tombée de sa splendeur passée. Goa n'existait plus, Goa la dorée, où le vieux Gama rendit le dernier soupir, où le divin Camoëns chanta et souffrit. Une autre ville s'est élevée pauvre et triste là où autrefois elle brillait superbe entre toutes. Il ne reste plus d'elle que le palais désert dos gouverneurs


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