Etude pratique sur les colonies anciennes et modernes

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— 107 — établis des comptoirs sur les côtes, et qu'ils pourraient les livrer à des prix plus bas que ceux qui arrivaient par la mer Rouge, par l'Euphrate et par le Tanaïs. Aussi leur jalousie se changeât-elle, sans tarder, en une véritable fureur. Ils parvinrent à faire partager leurs craintes jalouses au Soudan d'Egypte en lui disant que son pays ne serait plus désormais l'entrepôt du commerce de l'Europe et de l'Asie. Ils lui fournirent les forces nécessaires pour livrer combat aux Portugais ; mais il n'était pas homme à réussir dans pareille entreprise ; ses vaisseaux furent détruits dès la première attaque. Déconcertés par cet insuccès, les Vénitiens s'efforcèrent de traiter avec les Portugais eux-mêmes, afin de pouvoir partager les bénéfices de la nouvelle voie commerciale. Les Portugais refusèrent. Ils offrirent alors au roi de Portugal d'acheter toutes les épiceries qui arriveraient dans ses ports. Même refus. Il ne leur resta plus qu'une seule ressource, celle d'exempter de tous droits d'entrée les denrées coloniales qui arriveraient dans leur port par voie d'Egypte et de frapper d'un lourd impôt celles qui viendraient des Portugais.

Quant aux étrangers commerçants, aucun n'était reçu sur les navires vénitiens et ils devaient payer pour les marchandises qu'ils expédiaient un droit double de celui des nationaux de la République. Ils ne pouvaient construire ni acheter des vaisseaux dans celle-ci. Toute société entre les nationaux et les étrangers était sévèrement interdite. Malgré cette dure et génante législation, les étrangers affluaient à Venise. Outre les Juifs, les Grecs, les Allemands qui y occupaient des quartiers, on y voyait une multitude d'Arméniens, de Musulmans, d'Italiens, de Frisons et de Hollandais, quoique à l'époque dont il s'agit ces deux derniers n'eussent encore donné l'essor, qui devait les signaler plus tard, à leur esprit commercial. Cet empressement des étrangers à venir habiter Venise ne doit pas nous étonner. En effet, pendant huit siècles, c'est-à-dire jusqu'à l'époque où les Vénitiens voulurent devenir conquérants sur la terre ferme de l'Italie, la législation et la politique eurent pour objet principal la prospérité du commerce. Les Vénitiens jouissaient de nombreux privilèges à l'étranger et d'une parfaite sûreté chez


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