Etude pratique sur les colonies anciennes et modernes

Page 109

— 105 — Le lest des navires se composait de terres colorantes, de fer, de cuivre, d'étain et de plomb. Mais la vente des marchandises fabriquées était autrement avantageuse ; aussi les vaisseaux vénitiens en étaient-ils grandement chargés. Chaque voyage procurait des ventes ou des échanges dont la valeur s'élevait à plusieurs millions de ducats et durait un an. Ces voyages au long cours, faits sur les vaisseaux de l'Etat mais pour le compte du commerce, ont dû servir plus tard de modèles aux grandes compagnies que les Hollandais, les Anglais et les Français ont organisées pour le commerce des Indes. Ici surgit une question à laquelle nous croyons devoir répondre. Que pouvait-il bien rester à l'activité des vaisseaux de commerce des négociants de Venise, lorsque les flottes de l'Etat se réservaient en quelque sorte le privilège de fréquenter tant de ports? Voici la réponse : Le commerce de la République de Venise possédait environ quatre mille navires ; il les entretenait et les armait avec un soin jaloux. Ce grand nombre de bâtiments parcourait les deux rivages de l'Adriatique, visitait tous les ports du ponant, c'est-à-dire les côtes de Sicile, de Naples, de l'Etat Romain, de la Toscane, de Gènes, les côtes méridionales de la France et les côtes orientales de l'Espagne, enfin, les échelles du Levant que les escadres armées par le gouvernement ne visitaient pas. Beaucoup de ces vaisseaux appartenaient aux patriciens : Les jeunes nobles étaient obligés de faire quelques voyages sur ces navires de commerce. S'ils étaient pauvres, on les y recevait gratuitement et on leur fournissait même l'argent nécessaire pour se procurer quelques marchandises. En agissant ainsi, le gouvernement les encourageait, excitait leur émulation et atteignait son but qui était de les pousser vers le commerce afin de travailler, eux aussi, à la prospérité de la République. Ce no fut que plus tard, et pour les motifs que nous avons fait connaître, que les nobles ayant de la fortune furent exclus du commerce, mais cette exclusion ne frappait pas ceux d'entre eux qui ne possédaient rien.

Est-il nécessaire d'ajouter qu'une nation qui attachait tant d'intérêt à son commerce ne pouvait pas souffrir La concurrence


Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.