354
LE CHRISTIANISME
ripide n'éprouve pas à la vue de ces infortunés, la plus fugitive émotion; Aristophane croit
plaisant de nous
m o n t r e r Caron leur refusant sa barque, et le vieil Hésiode avait froidement écrit que l'esclave est au riche ce que le bœuf est au pauvre. A Rome, Caton assimile les esclaves au vieux bétail de son étable, Varron les é n u m è r e au 1
nombre des instruments de travail , Cicéron s'excuse de trop regretter u n esclave, Pline les compare aux frelons, Lucrèce s'en soucie à peine, Horace s'en moque, Plaute les n o m m e une race bonne pour la chaîne, ferratile
ge-
2
nus ; Sénèque et Marc-Aurèle leur offrent des consolations stériles. Je sais qu'on diminue ce qu'on exagère. Je n'ai au cune intention d'abaisser outre mesure la bassesse de l ' h o m m e pour exalter la g r a n d e u r de Dieu, très-fausse m a n i è r e de glorifier l'ouvrier dont on déprécie les ouvra ges. Ce n'est pas aux chrétiens qu'il faut apprendre que l'homme est capable, par ses seules forces, d'un certain bien, puisque les chrétiens professent que l ' h u m a n i t é , au degré le plus bas de sa dégradation, était encore assez belle pour n'être pas indigne de l'intervention de Dieu. J'aime donc à chercher et à trouver dans quelques
1
Le texte de Varron (Wallon, II, 189 note) est vraiment cynique : In-
struinenti genus vocale servi;
et semivocale
semivocale, in quo sunt boves;
Re rustica,
et mutum mutum,
; vocale, in quo sunt
in quo sunt plaustra. (De
I, XVII, 1.)
2 L'étendue des domaines, et la difficulté de surveiller à distance beaucoup d'esclaves, avait en effet eu pour résultat de faire mettre les esclaves aux fers, soit la nuit dans l'ergastulum, soit le jour. Caton, Varron, Columelle, le disent sans étonnement, et Sénèque se satisfait par une phrase : Necessitas fortiter
ferre docet, consuetudo facile. (Wallon, II, 217.)