L' Abolition de l'esclavage, tome 2

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de grands feux à l'entrée de ces cavernes, et ceux qui y ont cherché refuge, placés entre la mort par la suffocation et l'esclavage, sont for­ cés de se livrer; lorsque les fuyards se réfugient sur les hauteurs, les assaillants se rendent maîtres de toutes les sources et des puits, et les malheureux dévorés par la soif, reviennent troquer leur liberté contre la vie. Les prisonniers étant faits, on procède au choix. Les individus robustes des deux sexes, et les enfants de six à sept ans, sont mis de côté pour faire partie de la caravane, qui doit se diriger vers la côte. On se débarrasse des enfants au-dessous de six ans en les tuant sur le champ. Ou abandonne les vieillards et les infirmes, les condamnant ainsi à mourir de faim. La caravane se met en route ; hommes, femmes et enfants traversent les sables brûlants et les défilés rocailleux des montagnes de l'Afrique, presque nus et sans chaussure. On stimule les faibles à coups de fouet; on s'assure des plus forts en les attachant ensemble avec des chaînes, ou en leur mettant un joug

Beaucoup

tombent d'épuisement en route, et meurent ou deviennent la proie des bêtes sauvages. Arrivés sur la côte on les parque dans les établissements appelés barracoons, où ils sont entassés de manière à devenir la proie d'épidémies. Souvent la mort à déjà cruellement éclairci leurs rangs avant l'arrivée d'un négrier. Le premier qui se présente t'ait son choix, laissant de côté les malades et les faibles, et ayant soin de p r e n d r e toujours le quart ou même le tiers d'hommes de plus que son navire ne peut en contenir, et cela d'après un calcul mathématique, etpar une raison semblable à celle qui fait qu'on embarque sur un navire chargé de vin des barriques destinées à compenser la perte qui résulte de l'évaporation ou du coulage; car le capitaine sait parfaitement qu'un grand nombre des nègres formant sa cargaison périra, les uns succom­ bant au chagrin, les autres mourant par la suite du changement de régime, et beaucoup par l'asphyxie. « On n'attend pas toujours que les mourants aient expiré pour les jeter à la mer; quelquefois on y lance ceux qu'on désespère de sauver. L'orateur cite un événement de ce genre arrivé en 1785. Un nommé Collingwood transportait une cargaison d'esclaves à la Jamaïque : le navire fit fausse route; on manquait d'eau et de vivres. Sachant que si les nègres mouraient d'inanition, les armateurs perdraient la prime


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