L' Abolition de l'esclavage, tome 1

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ABOLITION DE L'ESCLAVAGE.

victoire. La Pointe-à-Pître eut son tribunal révolutionnaire. Quand la liberté en est là, la dictature n'est pas loin, et, avec elle, la terreur, l'arbitraire violent, et le fardeau de ces lois sans nombre que la dictature invente et multiplie sans succès pour contraindre la seule force qui lui résiste et finit par la vaincre, la force des choses. Chrétien ayant succombé à la fièvre jaune, Hugues, demeuré seul maître d'une île bloquée par les Anglais, désertée par les habitants, et sans culture, entassa proclamations sur proclamations, ordonnances sur ordonnances. Les premières ne parlent que de liberté et de bonheur; puis il faut défendre, sous peine de mort, de voler et arracher les vivres (13 juin 1794), ordonner le travail sous les mêmes peines (18 juin), embrigader les noirs, équiper avec eux des corsaires pour capturer sur mer la nourriture que la terre ne produit plus, mais, par ces moyens violents, ajourner la famine sans ressusciter le travail, et en venir à mettre en réquisition ces prétendus hommes libres (28 août 1795). En 1796, cultivateurs et cultures, bâtiments et bestiaux, étaient presque anéantis, et Victor Hugues, à bout d'énergie et d'espérance, refusait de proclamer la Constitution. Il écrivait (9 août) au ministre des colonies une lettre triste et sensée où se lisent ces paroles : « Qui pourra contenir quatre-vingt-dix mille individus forts et robustes, aigris par de longs malheurs? qui empêchera les funestes effets de l'ignorance et de l'abrutissement où l'esclavage les a plongés? Sera-ce trois mille personnes, dont deux mille détestent autant l'ordre de choses actuel que le gouvernement républi-


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