74
ABOLITION DÉ L'ESCLAVAGE.
amples. Les oppositions multipliées, l'inapplication systématique des règlements et des lois, créaient chaque jour des arguments nouveaux contre l'illusion de ceux qui persistaient à attendre la liberté des leçons du temps et du
bon vouloir des maîtres, et contestaient l'oppor-
tunité. « Attendre est sage, avait dit M. de Broglie, spirituellement cité par M. de Montalembert (discussion de la loi de 1845), à condition d'attendre quelque
chose;
mais
attendre
pour attendre,
attendre
par pure insouciance ou par pure irrésolution, faute d'avoir assez de bon sens et assez de courage pour se mettre a l'œuvre, c'est le pire de tous les partis et le plus certain de tous les dangers. » En France, en Europe, la victoire était complète dans les esprits. Les pouvoirs publies étaient d'accord, l'opposition favorable, la presse unanime, l'opinion et la conscience n'avaient qu'une voix. La cause était tellement gagnée, qu'on était las de l'entendre, las de la soutenir, l'évidence devenait fastidieuse. Pourquoi donc tant hésiter à faire le dernier pas, à frapper le dernier coup? Cette lenteur, selon qu'elle se nomme la prudence ou l'indécision, est
à la fois la qualité et le défaut, l'avan-
tage ou l'inconvénient des gouvernements libres. À force de peser tous les intérêts, d'écouter toutes les raisons, on parvient merveilleusement à préparer les questions, on aboutit avec peine à les résoudre. Trop de motifs empêchent de vouloir, connue trop de lumière empêche de voir. C'est au gouvernement à triompher de l'indécision ordinaire des assemblées régulières; s'il la partage, tout