Forçats et proscrits

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FORÇATS

ET

PROSCRITS

le « capitaine » Trajane, notre représentant à Counani. Pierre Villiers avait donc des relations très 1

suivies avec les ex-sujets de Jules Gros , qui sont, pour la plus grande partie, composés de métis portugais, descendants d'esclaves brésiliens réfugiés (esclaves « marrons »). Ces gens sont paisibles, bienveillants et hospitaliers, très pieux, avec une forte dose de superstition ; ils respectent les femmes, aiment

1. Dans un voyage qu'il fit à la Guyane, Jules Gros franchit l'Oyapoc, pénétra dans le « Contesté » et parvint à un misérable village habité par des Indo-Portugais. Il demeura deux ans parmi eux et leur en imposa par ses airs de supériorité et par sa faconde. 11 s'octroya le titre de Président de la République de Counani. Les choses allaient bien et ce fut lui qui les gâta en s'adjoignant en qualité de premier ministre un de ses amis dont les habitudes invétérées d'ivrognerie choquèrent les mœurs patriarcales des naïfs Counaniens au point qu'ils se révoltèrent. Monsieur le Président et monsieur le ministre furent invités à déguerpir. C'est à ce résultat qu'aboutirent les efforts de Jules Gros — dont on fit quelque bruit — pour fonder dans le « Contesté » un État libre allié à la France et pour introniser le parlementarisme dans ces vastes régions. Ce bon farceur se retira dans la banlieue de Paris. Jusqu'à sa mort, les joueurs de quilles, ses compères, continuèrent à l'appeler monsieur le Président et le regardèrent c o m m e une sorte de roi en exil.


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