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FORÇATS
ET
PROSCRITS
de s'embarquer sur le Cappy à destination de Cayenne. Il emportait avec lui toute sa fortune, c'est-à-dire quelques pièces de cent sous dans un vieux sac. L'âme obscurcie de pensées aussi sombres que le teint de son visage, il se dirigea d'un pas mécanique vers le quai d'embarquement. C o m m e il y arrivait, quelqu'un lui frappa sur l'épaule et une voix joyeuse résonna à son oreille : —
Eh, bonjou, ché! comment ou fika?
(Bonjour, m o n cher ami, comment vas-tu?) La voix était celle de Pierre Villiers, le caboteur, propriétaire et patron d'une vieille tapouye (sorte de goélette), la Marie-Julie, avec laquelle il transportait de Cayenne sur tous les points de la longue côte guyanaise, et m ê m e au
delà, des passagers et des
marchandises. Excellent marin, hardi compagnon, il avait eu l'idée, dont aucun autre patron de « tapouye » ne s'était avisé, d'établir un service, sinon régulier, du
moins