Après le bagne !

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EN VUE DES ILES DU SALUT

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se disputer les cadavres des victimes qu'on leur jetait, la face encore souillée de crachats. Je distinguais les silhouettes décharnées des cama­ rades que j'avais laissés dans cette g é h e n n e : Duval, Meunier, Pini et Forêt, Paridaine et Camusat, Etiévant et combien d'autres ! Un canot se détacha de terre et s'avança dans notre direction. Il était monté par u n garde-chiourme et qua­ tre forçats rameurs dont j'apercevais les faces rasées et les uniformes de toile bise. Quand il eut accosté, ils tournèrent vers moi leurs visages émaciés et mornes et me regar­ dèrent quelques instants avec curiosité. Mais on avait lancé par dessus bord un sac de dépêches et le canot reprit sa route, au bruit monotone des avirons plongeant en cadence... Ce fut pour moi la dernière vision du bagne français. Le navire, délesté de son courrier, se remit en marche et le groupe des trois îles disparut dans la nuit. Péniblement je m'approchai de l'échelle et descendis au carré des secondes. Les gardeschiourme, assis autour de leur table, y jouaient aux cartes en s'abreuvant de tafia. Je voulus


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