Après le bagne !

Page 272

258

APRÈS LE BAGNE !

« Pardon, madame, pourriez-vous m'indi... » Une bordée d'injures, plus grossières les unes que les autres, m'arrête. Tout ahuri, je me demande pourquoi. Parce que je suis habillé en forçat? Pas du tout. C'est parce que je l'ai appelée « Madame » alors que ces vieilles négresses veulent qu'on les appelle « mademoiselle » j u s ­ qu'à la mort, qu'elles aient un singe ou non. Je savais cela, mais je n'y avais pas pensé. Un peu plus loin, je m'adresse à un nègre qui m'interrompt par un pfui fortement aspiré entre les canines, ce qui est le signe du plus sou­ verain mépris. Il me tourne le dos. Jamais, non jamais, ni un nègre, ni un homme, n'a été aussi près de recevoir un coup de poing sur la tête et un coup de pied ailleurs. Mais je sur­ montai la folle envie que j'avais de rosser ce malappris, parce que cela m'aurait fait une vilaine affaire. Ah ! voici une négresse encore plus laide et plus vieille que la première. Déposons notre sac par terre. Otons notre chapeau et, avec notre sourire le plus enchanteur, demandons-lui : « Pardon, mademoiselle, auriez-vous l'extrême bonté de m'indiquer le bureau du commis-


Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.