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APRÈS LE BAGNE !
j'étais contraint d'abandonner à leur m a l h e u r e u x sort et que je ne reverrais peut-être j a m a i s ! Durant tout le voyage je demeurai ainsi sur le pont à contempler la mer, et je songeais, non sans anxiété, à ce que serait pour moi l'exis tence à Cayenne, dans la demi-dépendance de la libération. Car la libération, si i m p a t i e m m e n t attendue des forçats, n'est point encore, hélas! la liberté, le retour en France auprès des êtres chers! J'avais été condamné à cinq ans de b a g n e ; il me faudrait subir cinq années encore de cette vie nouvelle que je pressentais déjà pleine de désillusions... Des Iles à Cayenne, la traversée dura à peine trois heures. Bientôt nous fûmes en vue de la rade et je restai émerveillé par le spectacle qui s'offrait à moi. La rade de Cayenne forme u n e sorte de bassin naturel qui, par la tranquillité et la profondeur de ses eaux, peut donner abri aux navires du plus fort tonnage. Elle est bordée à droite, et au premier plan, par une immense ligne de palé tuviers couvrant un large banc de vase derrière lequel on aperçoit l'inextricable forêt vierge où sont représentées toutes les variétés de la flore