COCO DE LA VILLETTE
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adopté la coutume de s'y conduire comme en pays conquis et s'était fait détester de la popu lation pour ses abus de toute espèce. F r é q u e m m e n t des artilleurs et des marsouins, baïon nette au clair, s'étaient fait u n jeu de pénétrer la nuit dans les habitations pour les mettre au pillage et en brutaliser les femmes, sans que leurs chefs eussent pris l'initiative de réprimer sévè rement de pareilles m œ u r s . Indigné d'une telle audace et désireux d'infli ger une salutaire leçon à ces vandales, je m e levai d'un bond et, saisissant u n gourdin de balata à ma portée, je m'élançai comme u n furieux sur les assaillants, frappant dans le tas à coups redoublés. Stupéfait, et un peu effrayé tout d'abord par la vue des uniformes, mon compagnon, m e voyant en danger, s'élança à son tour dans la mêlée. Il en avait pris son parti. Il ne songeait m ê m e plus aux terribles conséquences que pouvait avoir pour lui la bataille. L'instinct combattit reprenait l'avantage, augmenté des vapeurs de l'alcool. Tout ce que des années de vexations sans nombre et d'esclavage douloureux avaient accumulé en lui se donnait enfin libre cours.