La déportation des députés à la Guyane, leur évasion et leur retour en France

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n'avait été aussi nombreuse; mais, par une fatalité inexplicable, jamais on n'avait manifesté plus de doute, plus d'indifférence sur ce qui se préparait. O n regarda sinon c o m m e téméraire, au moins c o m m e prématurée, la proposition de convoquer les Conseils extraordinairement pour entendre le rapport de la commission, qui devait conclure à ce qu'ils se missent en permanence, que la troupe appelée à Paris, au mépris de la Consti­ tution, fût déclarée faire partie, jusqu'à nouvel ordre, de la garde du Corps législatif, et enfin que le Direc­ toire rendît sur-le-champ compte de sa conduite. D é ­ concerté par le refus de toute mesure salutaire, je ter­ minai m e s observations en engageant les députés qui pouvaient craindre la vengeance directoriale, à ne pas se retirer chez eux jusqu'au dénouement de la scène qui commençait, attendu que les factieux n'étaient pas encore bien fixés sur la manière dont ils nous attaque­ raient; plusieurs trouvaient l'assassinat à domicile, dans une feinte sédition, plus expéditif et plus sûr qu'une arrestation. C e point ne devait être réglé que dans un dernier conciliabule indiqué pour minuit. Beau­ coup de députés, malgré la tranquillité qu'ils annon­ çaient, profitèrent de cet avis, et firent p r u d e m m e n t ; car plusieurs auraient été arrêtés, et nous auraient sui­ vis dans les déserts de la Guyane. Je retournai à m a commission y porter le bizarre ré­ sultat de m a démarche. Les m e m b r e s qui ne parta­ geaient pas l'aveuglement de tant d'autres, n'en furent pas moins étonnés, moins affligés que moi; mais ils sentirent en m ê m e temps la nécessité de prendre sur eux les m o y e n s de salut public. L e général Willot, ce brave, ce digne camarade de Pichegru, s'était joint à nous pour organiser ceux que nous laissait encore notre critique situation. Pendant que nous perdions en sté­ riles démarches des m o m e n t s si précieux, il les avait employés à s'assurer d'officiers et de jeunes gens dis-


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