La déportation des députés à la Guyane, leur évasion et leur retour en France

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LA

D É P O R T A T I O N

D E S

D É P U T É S

tions des surveillants, et ce fut pour nous un grand service. Ces journaux ne nous apprirent cependant que ce que nous redoutions et détruisirent les faibles espérances que nous avions établies sur Buonaparte (1).. Nous vîmes que les directeurs avaient réussi à l'expatrier, que le fléau de la guerre ravageait l'Italie et la Suisse, et que la France gémissait de nouveau sous la plus épouvantable tyrannie. Mais ces renseignements, en nous éclairant sur notre véritable situation, fixèrent nos dernières résolutions. Nous n'aperçûmes plus que dans un grand éloignement la fin de notre exil, et la (1) L e s g é n é r a u x Pichegru, Willot, A u b r y , etc., avaient aussi leur c h i m è r e , m a i s elle offrait plus de vraisemblance q u e la sensibilité et la justice directoriales, sur lesquelles comptait M . T r o n s o n . Ils pen­ saient q u e

B u o n a p a r t e , d o n t l'ambition

nous était c o n n u e , avait

tendu u n piège au Directoire. Les adresses d e son a r m é e tonnaient bien contre les royalistes d u C o r p s législatif, m a i s elles n'indiquaient p a s la m a n i è r e de s'en débarrasser : celle qu'on avait e m p l o y é e lui fournissait les a r m e s les plus puissantes contre le Triumvirat. Il pouvait lui dire : « M o n a r m é e ne voulait pas d e royalistes, m a i s elle voulait avec toute la F r a n c e la Constitution : en frappant arbi­ trairement les représentants d e la nation, p a r m i lesquels plusieurs n e sauraient être m ê m e

s o u p ç o n n é s d'appartenir à la faction qui

v o u s a servi de prétexte, v o u s a v e z renversé cette Constitution, s a u v e g a r d e des droits d u peuple; à la liberté, si c h è r e m e n t achetée, v o u s substituez votre despotisme. L e s défenseurs d e la patrie n e sauraient le souffrir... » C e langage, soutenu par quatre-vingt mille h o m m e s qui lui étaient d é v o u é s , par dix-sept millions qu'il avait e n caisse, —

j'avais sur l'état d e son a r m é e et de sa caisse les d o n n é e s les

plus sûres, —

par la nation entière qui n'aurait v u en lui qu'un libé­

rateur, eût eu le plus g r a n d succès. Alors, pour être conséquent, il n e pouvait pas se dispenser d e n o u s rappeler, sauf à nous faire juger suivant les formes constitutionnelles ; ce qu'aucun de n o u s n'aurait redouté. S a position, à cette é p o q u e , était encore plus favorable qu'au 18 brumaire. Il n'en profita pas : il fut retenu par la crainte que

lui inspirait la fermeté d e R e w b e l . C e directeur saisit avec

b e a u c o u p d'habileté la faute q u e B u o n a p a r t e avait faite d e se sépa­ rer de son a r m é e . Il n e lui fut plus p e r m i s d'y retourner, et il sentit tous les dangers auxquels l'avait exposé le refus d e lointaine qu'on lui proposa.

l'expédition


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