La déportation des députés à la Guyane, leur évasion et leur retour en France

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On dédaigna de répondre, mais on envoya un médecin qui reconnut la vérité de ce qu'avait attesté le chirurgien. M. Tronson, fort de l'avis de l'émissaire même de l'agent, lui adressa une nouvelle demande. Elle fut rejetée, ou plutôt l'arrêt de mort fut prononcé, mais exécuté plus lentement qu'on ne l'avait calculé : il languit encore pendant quelques mois. Un tableau aussi affligeant et la perspective de périr misérablement dans le cloaque de Sinamary ne pouvaient que fortifier le désir de nous soustraire à un sort aussi ignominieux. Nous avions bien acquis l'assurance que le gouverneur de Surinam nous accueillerait favorablement, et ce point était un des plus intéressants ; mais toutes les autres recherches que nous avions faites jusqu'alors n'avaient été que désespérantes. L'impossibilité de faire par terre les cent vingt lieues qui nous séparaient de cette colonie hospitalière nous était démontrée; tout cet intervalle était couvert de bois où aucun humain n'avait encore pénétré. Comment s'y frayer une route? comment échapper aux monstrueux reptiles, principaux habitants de ces immenses solitudes? comment se procurer des vivres pour un trajet aussi long? comment enfin traverser nombre de rivières dont plusieurs avaient plus d'une lieue de largeur? Tel était le résultat des renseignements que nous avions en quelque sorte surpris aux habitants et aux Indiens qui venaient assez souvent nous visiter. Toutes nos vues se durent tourner vers la mer, et nos espérances vers les Indiens (1). Eux seuls nous paraissaient offrir la réunion de ce qui était nécessaire à l'exécution de notre projet. Leurs relations continuelles avec Surinam leur avaient donné une connais(1) Plusieurs d e ces Indiens avaient eu d e fréquentes c o m m u n i ­ cations a v e c les colons, et entendaient assez d e m o t s créoles p o u r d o n n e r d e courtes explications : d'ailleurs, n o u s c o m m e n c i o n s à con­ naître u n p e u leur idiome, qui est très pauvre.


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