Journal d'un député non jugé, ou déportation en violation des lois : Tome I

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C H A P I T R E III.

et replongeant aussitôt après. Je m e hâtai de sortir; mais m o n nègre avait emporté m e s habits, et il m e fallut faire cinquante à soixante pas tout-à-fait nu. Je sus ensuite que le monstre qui m'avait effrayé était une couleuvre de m e r , et elles ne sont point dangereuses ; mais , en croyant échapper à u n péril imaginaire , j'en trouvai u n trop réel. Mouillé, c o m m e je l'étais , la nudité m e fut très-funeste, et le lendemain j'eus la fièvre. C'était deux jours après la mort de Brotier, le 27 fructidor an Vl(13 septembre 1798), et je crus qu'un autre terminerait ce Journal, en vous rapportant les circonstances de m a fin. Je fus malade pendant six mois ; mais , au lieu de vous affliger par les détails de m e s crises, je vous apprendrai qu'au délire de la fièvre se joignit celui de la poésie. J'avais reçu de France une épitre en beaux et bons vers ; elle m'avait été remise avec des précautions très-mystérieuses. Les directeurs y étaient n o m m é s , et n'y étaient point épargnés. U n pareil écrit pouvait compromettre nos amis, et je jugeai prudent de le brûler, lorsqu'on m'eut dit que m o n état nécessitait l'application des vésicatoires. C'était l'avertissement d'une fin prochaine, car personne ici n'avait survécu à ce remède. Les lignes suivantes m e vinrent à la pensée pendant l'opération « ou , si


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