Journal d'un député non jugé, ou déportation en violation des lois : Tome I

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CHAPITRE

II.

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fait couler le sang; mais Carrier commettait ses forfaits à la face de tous les Français, et cette publicité inspira une horreur si générale, que le cours de ses barbaries en

fut arrêté. Nos

ennemis nous envoyèrent à Cayenne; de là, nous avons été déportés une seconde fois dans

un

affreux désert, d'où nos cris ne peuvent se faire entendre en France. Il faut aujourd'hui en convenir : ceux qui se sont soustraits par la fuite à la déportation, ont ainsi échappé à une

mort presque cer-

taine. Après avoir été réduits à deux, nous nous voyions tout à coup c o m m e perdus dans cette multitude de nouveaux venus; et, témoins de tant de calamités , nous pouvions à peine nous occuper de nos propres malheurs. Des navires passaient

souvent devant notre rivage ; nous

portions envie à cette liberté sans limites dont les navigateurs jouissent sur le vaste océan. La vue d'une chaloupe, d'une pirogue inconnue, était le sujet d'une foule de combinaisons, et souvent nous

imaginions voir des libérateurs

dans ceux qui ne pouvaient songer à nous. Notre sort avait d'abord inspiré de la pitié en France, mais on avait ensuite tranquillisé le peuple, toujours disposé à oublier ou à prendre en patience les m a u x qu'il ne sent point.


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