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CHAPITRE
IX.
N o u s levons l'ancre le 5 pluviôse an VIII ( 23 janvier 1800), et, après vingt-six mois de séjour à la G u y a n e , je perds de vue les lieux de m o n bannissement. C'est d u vaisseau que m o n journal, interrompu
je finis
par les apprêts d u
départ. Je veux que vous puissiez connaître m a vie entière jusqu'au m o m e n t où nous serons réunis. L'état-major de la Sirène est empressé à nous faire perdre le souvenir des mauvais traitemens que le capitaine de la Vaillante nous fit éprouver. A u c u n événement fâcheux ne trouble notre traversée, et les vents la favorisent. Nous avons fait cependant quelques rencontres. L a première est celle d'un navire américain. N o u s étions peu éloignés des Antilles, et, quoique pressés de quitter ces parages, que sillonnent dans tous les sens les escadres anglaises, nous hélâmes ce navire. Il venait de New-Yorck. N o u s lui fîmes les questions d'usage : « Quoi de nouveau ? — « U n grand malheur. » —
« Quel malheur? » La
trompe à la voix rauque et lugubre nous renvoya cette triste réponse : « Washington
is no
more. » J'appris ainsi, en traversant l'Atlantique, la mort d'un grand h o m m e qui m'honorait de son amitié. 11 en avait beaucoup pour vous, Élise, et nous déplorerons ensemble la perte