Journal d'un député non jugé, ou déportation en violation des lois : Tome I

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CHAPITRE

IX.

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viôse an VIII (21 janvier 1800). Je quittais les côtes de la Guyane au milieu de l'hiver; mais il n'exerce point ici ses rigueurs. Mes sens n'étaient plusflétrispar la tristesse. Je fus frappé de ces beautés naturelles que le cours des ans et des saisons ne saurait altérer. C o m b i e n , à m o n départ, cette contrée m e semblait changée et différente de l'aspect qu'elle m'offrait à l'arrivée! Sinnamari, C o n a n a m a , j'oublie vos exhalaisons empestées, vos insectes venimeux, vos eaux bourbeuses, vos tigres, vos serpens. Séjours où la haine a déployé ses fureurs sur tant de têtes innocentes; lieux consacrés à l'injustice, à la mort, je vous quitte pour retourner vers m a belle patrie. M o n cœur est plein de joie et d'espérance. C o m m e je mettais le pied sur la frégate, je reçus le billet suivant, dernière et touchante circonstance de m a déportation : « Vos amis n'ont pas voulu vous attrister par » leurs derniers adieux, pendant que vous étiez »encore sur notre terre, et vous ne recevrez »ceci qu'à bord de la Siréne. Soyez heureux, «informez-nous de votre arrivée. Mais je suis » malade; et lirai-je votre lettre? Adieu, souve» nez-vous de nous et de la sœur d'adoption » que vous avez laissée seule à Sinnamari. « C. T. »


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