Journal d'un député non jugé, ou déportation en violation des lois : Tome I

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C H A P I T R E

VI.

ont de l'habileté des blancs, et la pirogue chavira à deux ou trois lieues d u rivage. Les Indiens ne purent la relever; ils remontèrent sur la coque renversée, et ils parvinrent à y a m e n e r le m a l heureux patron , qui, seul de l'équipage , ne savait pas nager. Les vagues l'entraînèrent, et ils le replacèrent jusqu'à trois fois sur la quille. Ils le pressèrent de quitter ses habits, en l'assurant qu'ils n'épargneraient rien p o u r le sauver; mais il leur déclara q u e , puisqu'il perdait sa fortune et celle de sa f e m m e , il ne voulait plus vivre. Il se précipita dans la m e r , et tout ce qu'il nous rapportait fut perdu. Les Indiens ne sont pas plus pauvres après qu'avant le naufrage, et ceux-ci n'avaient aucun motif de désespoir. Ils nagèrent jusqu'à terre, et furent près de six heures à s'y rendre, parce que la m e r était grosse. U n e f e m m e indienne et u n enfant, qui n'avaient pas assez de vigueur pour nager aussi longt e m p s , s'aidèrent d'une barrique de tafia, q u e la légèreté de cette liqueur faisait surnager, et elle les conduisit au rivage. Q u a n d les Indiens sont fatigués de nager, ils se couchent sur le dos, et la m e r les soutient, quoique immobiles. O n les croit spécifiquement moins pesans que nous, et ceux que j'ai essayé de porter m'ont paru en effet sensiblement plus légers. Je ne sais pas na-


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