Journal d'un député non jugé, ou déportation en violation des lois : Tome I

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CHAPITRE

er

I .

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de m o n d e ; il fallut y placer deux plans ou étages de hamacs. Ils étaient trop courts, et ils se touchaient. O n peut juger de l'infection qu'on y éprouvait, et de la difficulté de se mouvoir dans un tel encombrement. Dès la première nuit, des hamacs supérieurs furent arrachés par le poids

de ceux qui s'y

couchèrent. Ceux qui étaient dessous furent blessés. Les habits, les sacs, les valises étaient épars de tous côtés. Le jour parut, mais sans pénétrer dans ce cachot, et la confusion ne fut pas diminuée. Quelques-uns perdirent plusieurs fois connaissance. O n n'avait point encore levé l'ancre. U n déporté, appelé Jacob, avait donné des marques de folie avant d'être embarqué ; mais le commissaire Boichot traitait sa démence de stratagème pour être mis en liberté, et le fit transporter sur le navire. Jacob distribua tout l'argent qu'il avait aux gens de l'équipage, et jeta ses effets par-dessus le bord. Ensuite, disant froidement qu'il n'avait plus rien, il se précipita dans la mer. Des matelots s'y jetèrent après lui, et le remirent à bord. Il tenait encore sa tabatière, et, avec une politesse tranquille, il offrit d u tabac à ceux qui l'entouraient. Le capitaine, h o m m e compatissant, prit sur lui de renvoyer ce malheureux à terre. La Charente mit à la voile ; elle était encore


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