Journal de l'adjudant-général Ramel

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( 62 ) qu'exciter leur appétit dévorant. «Sans doute » que le directoire dine mieux que nous dans » ce moment, disoit un jour l'un d'entre » nous , en regardant le baquet de fèves » noires. » « Oui , » rep rit un homme qui nous écoutoit, et qui ne nous parla que cette seule fois: je ne me permets pas de le nommer : « Oui, les directeurs ont un meilleur dîner; »

mais je doute qu'ils dînent aussi tranquille-

» ment, et qu'ils montrassent Je même cou» rage s'ils étoient à votre place. » Je me souviens dans ce moment d'un trait plus remarquable,

un seul mot, un cri qui

fit frémir notre féroce capitaine. Marbois se promenoit sur le pont, et souffroit de la faim , jusqu'à.ne pouvoir plus se contenir ; le capitaine passa tout près de lui. « J'ai faim; j'ai » faim, lui cria Marbois, d'une voix forte, » quoiqu'altérée,

et le regardant avec des

» yeux étincelans : j'ai faim, donne-moi à » manger , ou fais-moi jeter à la mer. » Le cerbère resta comme pétrifié; il fit porter à

manger à Marbois. Un autre jour Willot dévorant des yeux tout ce qui pouvoit le repaître , acheta d'un matelot une livre de sain-doux, et l'avala surle-champ; il en fut très-malade. C'est dans cet état que nous arrivâmes au tropique; et la douceur du climat dans


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